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THE MEG 1 ET 2
En 1975, Steven Spielberg et son requin Bruce terrorisent les plagistes dans Les Dents de la mer dont le succès ouvre l'ère des blockbusters. Trois suites voient le jour mais dans l'intervalle, des producteurs opportunistes inaugurent un sous-genre de l'horreur baptisé sharksploitation où émergent des longs métrages tels que La Mort au large ou Deep Blood. Le requin mangeur d'hommes fait recette dans les salles et bientôt d'autres animaux comme les piranhas, un orque, une pieuvre ou un crocodile géant ne tardent pas à dévorer les baigneurs insouciants dans un éventail de films à la qualité plus ou moins discutable. Une période d'accalmie se manifeste ensuite jusqu'en 1999 où l'aileron menaçant revient pour fendre les eaux dans Peur bleue qui ravive la terreur sous-marine. Les métrages se multiplient alors souvent pour le pire à l'instar de la série de téléfilms Shark Attack. A partir de 2009, la société de production The Asylum (spécialiste du mockbuster) sert le redoutable squale à toutes les sauces notamment dans la saga Sharknado (6 volets) et exploite une imagerie outrancière qui atteindra des proportions surnaturelles. Dans ce domaine aquatique, Open Water, Bait et Instinct de survie font bonne figure en s'éloignant de cet aspect bouffonnerie. Beaucoup de remous à travers les décennies pour une pauvre bête à la réputation exagérée qui ne demandait pas à être icônisée de cette manière et s'est malheureusement retrouvée sur la trop longue liste des espèces en voie de disparition en raison de la surpêche.
Publié en 1997, Meg est d'abord un roman de Steve Alten dont les droits sont rapidement acquis par les studios Disney. Le projet sur le requin préhistorique remonte à la surface en 2005 quand New Line Cinema le récupère et nomme Jan de Bont (Speed) à la barre. En 2015, Warner Bros lance enfin l'adaptation qui doit être réalisée par Eli Roth (Hostel) mais ce dernier est remplacé par Jon Turteltaub (Benjamin Gates). Coproduction américano-chinoise, The Meg (En eaux troubles) dont le budget est estimé à 130 millions de dollars, débarque sur le grand écran en 2018.
L'histoire suit les exploits du sauveteur Jonas Taylor (prénom renvoyant à un épisode biblique) qui se joint à une équipe de scientifiques pour empêcher un Mégalodon de 23 mètres (4 fois plus massif que le grand requin blanc) d'arpenter les océans dans le but de se repaître de chair humaine. Un scénario simpliste qui constitue la principale faiblesse puisque l'inventaire des poncifs du genre est asséné au spectateur sans la moindre subtilité soit des personnages clichés embarqués dans des situations prévisibles (dont le sort réservé aux antagonistes) auxquelles s'ajoutent un suspense à deux sous, une cascade d'incohérences et des tentatives d'humour râtées. Si l'action et le visuel pouvaient pallier à tous ces défauts mais là aussi, le vide abyssal est de la partie. Les effets spéciaux ne se distinguent pas particulièrement par leur qualité tandis que chaque séquence mouvementée renvoit à Abyss et la quadrilogie Les Dents de la mer. Le plus étonnant reste l'absence totale d'hémoglobine, loin du délire gore d'un Piranha 3D, et la sensation de visionner un divertissement familial aseptisé qui passerait presque pour un spin-off de Jurassic World où son Mosasaure de 15 m serait la vedette. Du côté de l'interprétation, Jason Statham (dans son élément vu son passif de sportif professionnel dans la natation) arbore son habituel faciès monolithique d'homme d'action alors que l'acteur peut se montrer plus expressif dans les métrages de Guy Ritchie. Les seconds rôles qui lui servent de faire-valoir s'avèrent tellement peu intéressants que leur sort laisse indifférent. A noter également le manque d'imagination du titre français qui reprend celui du film Solitaire mettant en scène un crocodile hargneux et affamé.
Les spectateurs croqués à pleines dents par le producteur
En dépit de la médiocrité artistique, les résultats du box-office se révèlent favorables et la séquelle Meg 2: The Trench (En eaux très troubles) signée Ben Wheatley sort en 2023. L'intrigue voit le héros devenir un farouche défenseur de l'environnement et retourner dans les profondeurs pour y découvrir une base clandestine. Trois scénaristes (?) se sont donc creusés la tête pour pondre cette aventure insipide où la présence de trois requins, d'une pieuvre et de prédateurs carnassiers ne sauve pas le second volet d'un ennui mortel et alourdi par une réalisation sans relief. Le film accentue les erreurs de son modèle (la gamine vraiment insupportable) et se permet même de faire revenir le yorkshire au détriment de la pieuvre géante qui se limite aux tentacules numériques. Certains connaisseurs du nanar penseront à une version luxueuse de Megashark vs Octopus et n'auront pas tort mais la déception est bien réelle car le carnage annoncé laissera plus d'un spectateur sur sa faim. Une nouvelle fois, la voracité des producteurs a dépassé celle du mastodonte marin.
Au final, ce diptyque est plombé par une indigence scénaristique doublée d'une surenchère de références. Un mauvais produit certes rythmé mais jamais haletant ou terrifiant, hissant la stupidité à un rare niveau et qui s'acharne à respecter le cahier des charges du PG-13 dans un paroxysme de la nullité.
Fabien Rousseau