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GODZILLA (1954) |
Premier
blockbuster sur les Kaiju
ayant contribué à la popularisation du genre,
Godzilla est en réalité plus complexe que cette
vision du costume écaillé en latex de 91 kilos
porté par l'acteur Haruo Nakajima. Véritable
allégorie de la terreur et du traumatisme encore présents
du largage des bombes sur les villes de Nagasaki et Hiroshima,
le film reprend les interrogations et les craintes de l'impuissance
de l'homme, que ce soit face à la nature ou à son
propre savoir. |
Le
film débute par la stupéfaction et l'impuissance
de l'équipage d'un navire qui disparaît corps
et biens dans un éclair de lumière qui semble
venir d'un bouillonnement dans l'océan. Difficile de
ne pas voir le rapprochement avec la puissance du souffle atomique
des bombes de Nagasaki et Hiroshima. Le même effet de
souffle et la même impuissance à fuir ce phénomène,
qui entraînera inéluctablement la mort et la destruction.
L'impuissance est poussée à son paroxysme lorsque
les deux navires de secours envoyés sur place subissent
le même sort que le premier. L'homme est confronté à quelque
chose d'inconnu qui le dépasse, quelque chose qui s'en
prend à tous, sans distinction. Comme les bombes atomiques
lancées sur le Japon qui ont tué sans distinction
et ont contaminé les secours arrivés sur place
en 1945. |
Les
scènes suivantes se focalisent sur des villageois expliquant à l'équipe
d'enquête, une légende immémoriale concernant
un monstre géant comparable à un dieu nommé Godzilla,
responsable (à tort ou à raison) de l'appauvrissement
de la pêche. Ce passage évoque les croyances du
peuple japonais et la tradition qui en résulte. En effet,
pour éviter que Godzilla ne vienne s'en prendre à eux,
les villageois pratiquent un rituel traditionnel sensé protéger
le village. Cela n'empêchera pas le monstre de venir
détruire ce dernier, en écrasant tout sur son
passage. |
Les
messages passés dans cette partie du film montrent que
les scientifiques ne peuvent pas croire l'incroyable sans preuves
plus flagrantes que l'évocation des légendes
et des traditions locales. Les villageois représentent
le Japon traditionnel et leur impuissance face à un
ennemi imposant et hors du commun qui n'a pour but que d'avancer,
ne tenant aucun compte des vies inférieures qui pullulent
sous ses énormes pattes, tel un dieu vengeur. La force
de la nature incarnée par Godzilla n'a pas d'états
d'âme, ne se met pas au niveau des humains, comme les
humains n'ont pas d'états d'âme à montrer
leur puissance face à une fourmilière ou à toutes
espèces qu'ils jugent inférieures. |
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Mais
pourquoi Godzilla attaque-t-il les humains ? C'est là qu'est
la trame du film, une question que tout le monde devrait se
poser : Pourquoi la nature contre-attaque ? Car oui, Godzilla
ne fait que contre-attaquer. Des essais nucléaires ont
réveillé la bête en sommeil depuis des
temps immémoriaux. Les scientifiques ayant trouvé sur
les lieux des attaques, la présence de matières
fissibles et uniquement présentes dans les fameuses
bombes atomiques. L'Homme est donc responsable de la colère
de la nature symbolisée par Godzilla. Les humains tentent
de stopper, ou au moins d'entraver la progression du Kaiju,
mais celui-ci semble instoppable. Plusieurs stratégies
sont tentées, comme l'envoi de l'armée (Japan
Defence Force : JDF) qui ne fera pas le poids devant le gigantisme
de la créature. Il y aura ensuite une barricade de clôtures électriques
géantes, qui ne résisteront guère au souffle
atomique du monstre. Et même les tout derniers jets de
combats ne seront d'aucune utilité face à cette
force incomparable. Sans solutions nouvelles, rien ne pourra
l'arrêter et le massacre de millions d'humains continuera.
Cette solution nouvelle existe pourtant, mais son application
viendrait à l'encontre de l'éthique du scientifique
qui a mis au point une arme plus terrible qu'une bombe atomique,
un destructeur d'oxygène. Cette arme si puissante même
comparée à n'importe quelle bombe atomique, est
sans limites. Elle peut annihiler toute vie marine dans un
large rayon, y compris Godzilla. |
Pourquoi
hésiter alors ? Utilisons le savoir de l'Homme pour
asseoir notre supériorité face à la nature
! En fait, le traumatisme du nucléaire amène à la
réflexion suivante : Nous sommes attaqués par
une force inconnue dont la puissance dépasse notre imagination
(allégorie de la bombe atomique) ; Nous sommes responsables
de l'attaque subie par cette force (présence de matière
nucléaire humaine sur les lieux de l'attaque) ; Nous
avons les moyens de le contrer, mais cela sera pire que le
monstre lui même (comparaison avec les essais et les
bombes atomiques qui pullulent). Le scientifique dit clairement
qu'une telle arme ne devrait pas exister et regrette son invention.
Les autres ont échoué mais lui va réussir.
Certes, cette arme à la puissance colossale sera utilisée
contre Godzilla, mais le scientifique détruira tout
son travail, et tous les documents pouvant être utilisés
pour la création d'un autre destructeur d'oxygène.
Là où ceux qui ont lancé la bombe pour
détruire l'humain et réveiller une nature incontrôlable
ne font que réitérer leurs erreurs encore et
encore, un seul homme aura le courage de détruire Godzilla
avec une puissance plus forte, mais aussi tout le bon sens
de ne pas laisser le savoir nécessaire à la prolifération
et à la menace d'une telle catégorie d'arme.
En effet dans la scène de destruction du Kaiju, le scientifique
sacrifie sa propre vie, coupant le lien qui aurait permis de
le sauver. Il accepte de partager le sort qu'il réserve à Godzilla.
Sa création pouvant engendrer plus de drames que la
créature qu'il combat. Il sacrifie donc ses recherches,
ses connaissances et sa vie, pensant (à tort ou à raison)
que l'humanité devra payer le prix pour avoir défié la
nature. |
Le
film se termine sur la remarque pertinente que tant que les
humains n'arrêteront pas les essais nucléaires
(et donc de défier la nature), ils ne seront pas à l'abri
d'un nouveau cataclysme tel que Godzilla dont le mythe se perpétuera
dans plus d'une trentaine de longs métrages. |
Teddy Wentz |