CLIQUER CI-DESSUS POUR REVENIR A LA PAGE PRINCIPALE
           
 
< INDEX CRITIQUES >
 
THRILLER
15 MINUTES (2001) de John Herzfeld avec Robert De Niro, Edward Burns, Karel Roden, Oleg Taktarov.
Eddie Fleming, policier à la brigade criminelle de New York, utilise son image médiatique pour accroître sa notoriété. Lorsqu’un double homicide est commis dans un appartement ravagé par le feu, celui-ci accepte de faire équipe avec un jeune spécialiste de la brigade des incendies. Les deux hommes se lancent alors sur les traces de l’unique témoin de ces meurtres commis par Emil et Oleg, deux réfugiés de l’Europe de l’est.
Scénariste et cinéaste (la comédie policière Deux jours à Los Angeles), John Herzfeld livre ici un polar à la mise en scène nerveuse parfois esthétisante, qui porte un regard incisif sur les médias poussant parfois jusqu’à la caricature journalistique où arrivisme et audimat font bon ménage.
Après sa parenthèse comédie, Robert De Niro revient au film d’action pur et dur qu’il avait délaissé depuis Ronin. Il y incarne magistralement un flic copinant avec la presse dans un but uniquement professionnel et qui sera victime par la suite de sa célébrité. Il est secondé dans son enquête par le très convaincant Edward Burns (vu entre autre dans le soldat Ryan et également réalisateur des Frères McMullen) en idéaliste méprisant ce milieu gangrené par la course à l’audimat. Quant à Karel Roden et Oleg Taktarov, les deux tchèques déjantés, ils s’en sortent honorablement en donnant à leur personnage, un aspect parfois pathétique.
15 minutes (en référence aux 15 minutes de gloire promises par le peintre Andy Warhol) se permet au passage de se moquer avec un certain sarcasme de la réussite à l’américaine (la symbolique de la statue de la liberté, les références à Frank Capra) et de ridiculiser son système judiciaire réputé infaillible. Une manière pour le réalisateur de confronter deux flics aux convictions opposées à un présentateur de show télévisée arriviste et des tueurs vidéastes amateurs qui œuvrent pour la même finalité : le profit financier. Ce thriller reposant sur une solide base scénaristique ne manque pas de souffle en offrant des séquences d’action bien rythmées et en réservant des surprises de taille. Certes la violence y est montrée d’une manière suggestive par les sauvages mouvements d’une caméra vidéo numérique (usant d’effets stylistiques pour les scènes de meurtres) mais qui est susceptible d’heurter les âmes trop sensibles. Pourtant si l’intrigue arrive à éviter habilement les poncifs du genre, il est navrant de constater que le dénouement souffre de quelques airs de déjà-vu.
88 MINUTES (2007) de Jon Avnet avec Al Pacino, Alicia Witt, Amy Brenneman.
Réalisateur du trépidant Red Corner avec Richard Gere et producteur de la série Boomtown, Jon Avnet s’essaye au procédé de l’action en temps réel. Un concept qui a déjà été exploité pour le Meurtre en suspens de John Badham avec Johnny Depp puis le 16 Blocs de Richard Donner avec Bruce Willis. Cette fois, le cinéaste entraîne Al Pacino dans un compte à rebours macabre. L’acteur incarne Jack Gramm, professeur d’université et consultant en psychiatrie du FBI. Jack reçoit un appel lui annonçant qu’il lui reste 88 minutes à vivre et va mettre toute son expérience à profit pour démasquer l’individu qui veut l’éliminer.
Il semblait en effet laborieux pour Jon Avnet de marcher sur les plates bandes du thriller psychologique, un registre dont les références en la matière demeurent Le silence des agneaux et Seven. Force est de reconnaître que sa mise en scène insuffle une bonne dose de rythme au film pour garantir une enquête menée tambour battant. Même si le récit entretient un climat de suspicion où les différents protagonistes prennent des allures de potentiels suspects, certaines situations paraissent téléphonées (au sens propre comme au figuré car notre psychiatre galopant a toujours le portable collé à l’oreille). Or, le suspense est maintenu durant une grande partie du long métrage mais lorsque l’étau se resserre autour du héros, les ficelles deviennent grossières au point que le final aboutit à un effarant manque de crédibilité. D’autant que le réalisateur applique les ingrédients en ne se souciant guère du timing "serré" (le temps réel est réduit de moitié à l’écran) de son histoire.
Le mérite de sauver l’entreprise en revient au talentueux Al Pacino qui s’implique avec une élégance coutumière dans son personnage lancé dans une course contre la montre. Le comédien s’impose sans difficulté face à une distribution féminine qui se restreint au minimum syndical. On notera au passage les présences de Neal McDonough (remarquable dans les séries Frères d’armes et Boomtown) en tueur halluciné et William Forsythe (Il était une fois en Amérique) en flic perspicace.
De cet ensemble, le spectateur rompu à ce genre d’intrigue aura vite fait ses propres déductions concernant cette affaire de manipulation. En honnête artisan, Jon Avnet livre un polar certes bâti sur un canevas classique et contenant son lot de carences scénaristiques mais suffisamment nerveux pour assurer le quota de divertissement. Quant au charisme de son interprète principal, il fonctionne toujours autant à plein régime.
BASIC (2003) de John McTiernan avec John Travolta, Connie Nielsen, Samuel L. Jackson.
Le retour de McTiernan.
Spécialiste des prouesses techniques, John McTiernan a fortement influencé le cinéma d’action dans les années 80 avec Piège de cristal et Predator. Il est vrai qu’on attendait son prochain film avec une certaine impatience après ses écarts clippesques de Rollerball, lui qui nous avait laissé sur une bonne impression avec les magnifiques plans d’un Treizième guerrier massacré par les producteurs.
Force est de constater que le cinéaste renoue avec la virtuosité qu’on lui connaît et cela dès la séquence d’ouverture (évoquant celle de Predator) où il filme caméra à l’épaule, un hélicoptère en approche dans la jungle panaméenne. S’ensuit un exercice de routine qui entraîne la mort de quatre rangers et du sergent Nathan West. Tom Hardy, agent de la brigade des stupéfiants et ex-membre des forces spéciales doit collaborer avec le lieutenant Julia Osborne afin d’interroger les deux témoins survivants sur les circonstances du drame.
Le scénario rejoint le même principe que celui du Rashomon d’Akira Kurosawa : présenter différentes versions d’un seul événement. Ainsi le récit navigue entre le camp où l’interrogatoire est construit comme un huis clos et les souvenirs de soldats alors piégés dans une cabane prête à être soufflée par un ouragan. Lors de ces scènes d’action où plane une certaine tension, le réalisateur multiplie les points de vue sur le terrain et nous place quasiment dans la position de l’observateur. Balisée de coups de théâtre, l’intrigue joue beaucoup sur les apparences en ouvrant de nombreux tiroirs et en sollicitant les méninges mais finit par s'embourber dans l’incohérence à force de vouloir leurrer le spectateur.
Enquêtant au sein de l’armée américaine, John Travolta se démarque du personnage intègre qu’il campait dans Le déshonneur d’Elisabeth Campbell, en versant dans l’ambiguïté. On ne sait jamais dans quel camp il tient et son passé trouble (il est soupçonné de corruption) vient s’ajouter à cette méfiance. Sa partenaire, Connie Nielsen (Gladiator) incarne parfaitement cette femme officier à la rigidité toute martiale. Quant à Samuel L.Jackson qui ne se manifeste que dans les séquences de flash-back, il affiche une impressionnante assurance dans son rôle d’instructeur autoritaire voire tyrannique.
Malgré quelques défauts d’ordre scénaristique, Basic constitue un divertissement honorable au suspense rondement agencé où l’on se laisse entraîner bien volontiers dans un tortueux jeu de dupes.
BRAQUAGES (2001) de David Mamet avec Gene Hackman, Delroy Lindo, Danny De Vito, Rebecca Pidgeon.
L’œuvre du dramaturge David Mamet (également scénariste notamment pour Les incorruptibles de Brian De Palma) repose avant tout sur les apparences : des histoires fondées sur la vérité et le mensonge, l’amitié et la trahison. Pour son huitième long métrage, il signe un polar qui s’inscrit dans la lignée des films noirs des années 70 avec son lot de gangsters et d’arnaques.
Joe Moore, un cambrioleur hors pair exécute un ultime casse dans une grande bijouterie. Lors de l’opération, une caméra de surveillance le prend à visage découvert. Il décide alors de prendre sa retraite mais Bergman, son receleur n’accepte pas de lui payer sa part du butin et lui impose un dernier gros coup. Pour ce braquage spectaculaire, Joe et ses acolytes se retrouvent bientôt affublés de Jimmy, le neveu de Bergman.
Au premier abord, le scénario peut paraître classique, ressassé maintes fois dans le genre policier : un braqueur quasiment à la retraite est contraint d’accepter un dernier contrat. Toutefois, l’intrigue se révèle une mécanique bien huilée aux rouages implacables et orchestrée avec une certaine maestria par le cinéaste. De même que les rebondissements s’enchaînent à un tel rythme dans la dernière demi-heure que l’on peine parfois à reprendre son souffle. On notera au passage que la musique vient renforcer l’impression que le film se veut un hommage appuyé aux polars de la décennie 70.
La distribution est dominée par un Gene Hackman dans un rôle plus physique qu’à l’accoutumée et qui se montre une nouvelle fois remarquable dans la peau d’un vieux renard voulant se ranger des voitures. Un personnage brillant et méticuleux qui improvise un plan de rechange au moment opportun et considérant le vol comme un véritable art. Ses partenaires quant à eux sont également très convaincants et apportent toute sa cohérence au récit, hormis peut-être un Danny De Vito qui a tendance à cabotiner dans certaines situations. L’humour, lui aussi est très présent à travers quelques répliques mordantes ("C’est l’amour qui fait tourner le monde mais l’amour de l’or").
Un thriller efficace à la réalisation plutôt sobre qui manipule le spectateur de bout en bout jusqu’au coup de théâtre final, porté par un Gene Hackman dont la prestance ainsi que le talent forcent toujours l’admiration et font toujours grande impression à l’écran.
CALCULS MEURTRIERS (2002) de Barbet Schroeder avec Sandra Bullock, Ben Chaplin, Ryan Gosling, Michael Pitt.
Un tandem de lycéens, Justin Pendleton et Richard Haywood entreprennent de commettre le crime parfait. Le lendemain, le corps d’une jeune femme est retrouvé dans la forêt d’une petite bourgade située sur la côte californienne. L’inspecteur Cassie Mayweather de la police criminelle et son nouvel équipier Sam Kennedy sont chargés de l’enquête. Rapidement, tous les indices convergent vers un seul suspect mais Cassie demeure sceptique.
Depuis le début des années 90, le cinéaste international Barbet Schroeder s’est illustré avec brio dans le registre du thriller (Le mystère Von Bulow, Kiss Of Death, L’enjeu). Après un passage en Colombie pour La vierge des tueurs, il revient à son genre de prédilection en s’inspirant d’un fait réel : celui d’un homicide commis par deux étudiants.
Le réalisateur propose de décortiquer les mécanismes d’un meurtre parfait et purement gratuit élaboré par deux lycéens (les surprenants Ryan Gosling et Michael Pitt, machiavéliques à souhait) ambigus aux physiques et aux caractères opposés : l’un est un intellectuel tourmenté, féru de philosophie tandis que l’autre est un séducteur cynique et manipulateur, très peu studieux. Leur amitié secrète mêlant admiration, haine contenue et homosexualité refoulée. Partant du principe que les assassins sont connus d’avance, les références du film se tourneront vers La corde, le classique d’Alfred Hitchcock. L’intérêt de l’intrigue repose donc sur la manière de procéder de la détective pour arriver à les confondre. Ainsi, l’auteur se plaît à détourner les conventions dans un subtil jeu de piste criminelle et brosse le portrait d’une certaine jeunesse en mal d’expériences fortes. Ce jeune duo de tueurs arrogants se retrouve bientôt face au fin limier de circonstance campé par Sandra Bullock (également productrice par le biais de sa société) dans un honnête contre-emploi l’éloignant de ses habituelles prestations niaises : l’actrice s’y révèle remarquable de retenue, parfois antipathique et masculine dans la peau de ce personnage torturé par un lourd passé, qui aurait hérité de l’intuition et de la perspicacité du célèbre lieutenant en imperméable beige. Elle est secondée par un enquêteur novice joué très sobrement par Ben Chaplin, remarqué dans La ligne rouge.
Par ses qualités de metteur en scène, Barbet Schroeder parvient à rendre ce thriller palpitant en semant de nombreux indices et en manipulant le spectateur jusqu’au dénouement malheureusement prévisible. L’ensemble s’appuyant sur une interprétation plutôt convaincante. Un macabre parcours initiatique qui fait froid dans le dos où les faibles et les forts ne sont pas forcément ceux que l’on pense.
CONFIDENCE (2003) de James Foley avec Edward Burns, Dustin Hoffman, Rachel Weisz, Andy Garcia.
Le cinéaste James Foley s’est fait connaître par le biais de la comédie avant de signer d’efficaces thrillers (Comme un chien enragé ou Glengarry parmi les meilleurs) reposant sur la psychologie des personnages. Ses réalisations recelant parfois de bonnes surprises.
Pour Confidence, il prend le parti de bâtir son récit en flash-back : Jake Vig, pistolet sur la tempe, raconte comment il a "involontairement" volé le caïd local et tous les évènements qui en ont découlé (l’accord passé pour sauver sa peau et l’élaboration d’une escroquerie d’envergure). Faisander avec classe est une véritable vocation pour cet escroc mais anticiper est la règle d’or qui lui permet de survivre entre la police et la pègre.
Ainsi le point fort du long métrage réside dans un scénario formidablement agencé qui renferme une mécanique huilée à la perfection. De même que l’intrigue basée sur les manipulations et les mensonges, est nourrie par un suspense implacable qui mène à de subtils retournements de situation. L’autre atout est bien sûr sa prestigieuse distribution : Edward Burns (il faisait équipe avec Robert De Niro dans 15 minutes) incarne avec aisance une personnalité mélangeant charisme et cynisme, l’excellent Dustin Hoffman entraîné dans ses délires psychotiques nous offre un numéro jubilatoire et enfin Andy Garcia qui fait de plus en plus dans le troisième rôle, se montre discret et presque méconnaissable mais toujours aussi convaincant. Il faut noter également la prestation de Rachel Weisz à contre-emploi.
Côté esthétisme, le réalisateur agrémente son histoire de quelques effets de style tandis que la photographie se révèle particulièrement soignée, contribuant à conférer une atmosphère digne des films noirs des années 40-50 (une période où le spectaculaire ne venait pas combler le vide scénaristique). A celle-ci vient s’ajouter la traditionnelle galerie de protagonistes tels que le gangster sadique, la femme fatale, l’escroc charmeur ou les flics corrompus.
Inévitablement, Confidence est une œuvre qui trouvera quelques points communs avec le chef d’œuvre que représente L’Arnaque. Toutefois, il régalera sans aucun doute les amateurs de polars bien ficelés à la mise en scène appliquée. Le film à tiroirs semble être en vogue dans le cinéma policier américain et c’est plutôt une nouvelle réjouissante.
LE CONTRAT (2007) de Bruce Beresford avec Morgan Freeman, John Cusack.
Bruce Beresford est essentiellement connu du grand public pour être le réalisateur de Miss Daisy et son chauffeur qui remporta 4 Oscars. Cette fois, il revient au thriller mâtiné de psychologie après Silent Fall avec l’excellent Richard Dreyfuss et Double jeu avec la belle Ashley Judd et Tommy Lee Jones.
L’histoire suit un père veuf souhaitant reconstruire une relation difficile avec son fils en pleine crise d’adolescence. Malheureusement durant leur excursion dans les rocheuses, ils tombent sur un tueur qui allait prendre la fuite et le courageux père décide de l’escorter à travers les bois. L’association entre Morgan Freeman et John Cusack paraissait prometteuse sur l’affiche. Pourtant la qualité n’est hélas pas au rendez-vous.
Car la première demi-heure passée, l’intrigue s’enlise dans des sentiers battus et rebattus, empruntant quelques idées à Randonnée pour un tueur et L’enlèvement. Les personnages manquent d’épaisseur même si les acteurs (on préférera quand même Morgan Freeman en méchant dans Poursuite) font ce qu’ils peuvent pour éviter le désastre. Le scénario est ultra-balisé et accumule les situations invraisemblables. On se moque de qui avec le prof de gym qui neutralise avec une remarquable aisance un groupe de mercenaires surentraînés lancé à ses trousses. Le suspense ne tenant aucune promesse, les enjeux dramatiques tombent à plat et comble de tout, la mise en scène est d’une effarante platitude même si elle met parfois en valeur de beaux paysages. On n’oubliera pas de signaler la séquence ringardise avec la chute de l’hélicoptère.
Loin d’être palpitant, Le Contrat ne remplit pas son objectif d’être une série B divertissante. On se demande encore si ce navet avait sa place dans une salle de cinéma et si il n’aurait pas du sortir directement à la location au rayon des Seagal, Vandamme et Lambert. En comparaison, le nanar éponyme avec Schwarzy avait au moins le mérite d’être fun et de ne pas se prendre au sérieux.
CREANCE DE SANG (2002) de et avec Clint Eastwood, Jeff Daniels, Wanda De Jesus, Anjelica Huston.
Après le réjouissant Space Cowboys, Clint Eastwood revient au policier, genre auquel il a grandement contribué (avec le western évidemment) en se basant sur le roman homonyme de Michael Connelly, l’un des maîtres du roman noir avec Thomas Harris ou James Ellroy.
Terry McCaleb, profiler réputé du FBI, est victime d’un infarctus alors qu’il tentait d’arrêter un tueur en série. Deux ans plus tard, il se remet lentement d’une greffe de cœur et vit sur son yacht en paisible retraité. Jusqu’au jour où Graciella Rivers, une jeune femme lui demande de reprendre l’enquête sur le meurtre de sa sœur qui s’avère être la donneuse.
Clint Eastwood reprend du service pour une enquête mouvementée et signe un film appuyé par une mise en scène d’une sobriété exemplaire à l’image de son héros. Il n’est pas question pour Eastwood de tricher sur son âge : vieillissant et affaibli, McCaleb est un fin limier qui se sent dans l’obligation d’honorer une dette particulière. Ce thriller repose avant tout sur un procédé narratif certes lent mais jamais ennuyeux où l’auteur affiche tout de même moins d’ambitions que dans ses précédentes réalisations. Il ne faut donc pas s’attendre à un suspense au montage frénétique comme il est coutume d’en voir ces derniers temps mais qui s’oriente plutôt vers un scénario machiavélique dont les rouages astucieux impliquent quelques rebondissements avec coup de théâtre final à la clé. Dans certaines séquences, on jurerait même que Clint Eastwood a la nostalgie de l’inspecteur Harry (le plan au-dessus de la ville, l’ultime confrontation entre lui et le tueur ou le thème de Lennie Niehaus évoquant Lalo Schifrin) tant son personnage passerait presque pour un Harry Callahan à la retraite. Cela se retrouve également dans les mimiques : yeux plissés, mâchoires serrées et répliques teintées d’ironie. Plus de doutes, il veut nous emmener en terrain connu.

Si la silhouette du grand Clint éclipse celles des autres protagonistes, on notera qu’Anjelica Huston (Eastwood avait rendu hommage à son père John dans le magnifique Chasseur blanc, cœur noir) en doctoresse attentionnée parvient à se distinguer en offrant une interprétation remarquable. De même que l’étonnant Jeff Daniels apporte la note d’humour nécessaire en campant le sympathique compagnon de notre investigateur, une sorte de loser nonchalant à souhait.

Les uns verront dans ce Créance de sang, un honnête polar classique, quant aux autres, les inconditionnels, ils savoureront les nombreux clins d’œil qui leur sont adressés. Le grand Clint ne cesse pas pour autant de nous surprendre et prouve qu’il a encore de l’énergie à revendre puisqu’il a tourné Mystic River, un autre thriller où il n’est cette fois que metteur en scène.
D-TOX : COMPTE A REBOURS MORTEL (2002) de Jim Gillespie avec Sylvester Stallone, Charles S. Dutton, Robert Patrick, Kris Kristofferson, Polly Walker, Tom Berenger.
Jake Malloy, agent du FBI, enquête sur les meurtres commis par un tueur en série sur des policiers. Suite au meurtre de sa compagne, il sombre dans la déchéance et se met à boire. Son partenaire décide alors de l’envoyer en cure de désintoxication dans un centre situé dans les montagnes enneigées du Wyoming. Un terrible blizzard s’abat alors sur la région isolant le bunker où sont regroupés des policiers dépressifs.
Réalisateur en 1997 de Souviens-toi l’été dernier, un émule de Scream, Jim Gillespie lance cette fois-ci, Sylvester Stallone sur les traces d’un maniaque cultivant un certain goût pour le morbide.
Driven, Get Carter, autant de titres qui préfigurent la chute de la carrière de Sylvester Stallone. Ce film là se placerait plutôt dans la catégorie polar divertissant allant chercher ses inspirations du côté de Seven et comparses : le tueur en série suspendant ses victimes comme de véritables œuvres d’art avec un sadisme prononcé. Le script amasse tous les schémas caractéristiques au genre (l’assassin harcelant inlassablement son adversaire jusque dans son intimité). Dans une forteresse retirée du monde, les membres d’un groupe de flics venus pour se faire désintoxiquer disparaissent l’un après l’autre. Même si Stallone se montre un peu plus sobre et moins coutumier des "gros bras musclés" en composant un personnage tourmenté, il ne parvient pas à sauver un scénario à la trame simpliste comportant son lot minimum de scènes d’action, son psychopathe de bazar et son dénouement prévisible. De même que le paysage enneigé et le climat de méfiance évoquent La Chose de John Carpenter. Le seul intérêt de l’intrigue étant de réussir à confondre l’identité du tueur qui s’est intégré à cette petite communauté fourmillant en outre de protagonistes sans relief.
Jim Gillespie s’amuse donc à tirer sur des ficelles usées malgré un suspense bien entretenu et livre ici un thriller maladroit dont le rythme s’essouffle à mi-parcours. Quant à l’ami Stallone, son capital sympathie baisse de nouveau avec cette piètre production mais espérons pour lui que ses prochains films ne seront pas uniquement destinés au circuit vidéo.
DEJA VU (2006) de Tony Scott avec Denzel Washington, Val Kilmer, Jim Caviezel, Paula Patton.
Sur le terrain du cinéma musclé, Tony Scott n’a plus besoin de faire ses preuves. Frère cadet de Ridley (7 ans de différence), il a alterné le meilleur (Ennemi d’état) comme le pire (l’épileptique Domino). Pour son nouveau long métrage, le réalisateur collabore pour la troisième fois avec Denzel Washington après U.S.S. Alabama (1995) et Man on Fire (2004).
On suit les investigations de l’agent Doug Carlin de l’ATF (Alcool, tabac et armes à feu) qui amasse les indices suite à un attentat à la bombe contre un ferry dans la Nouvelle Orléans de l’après ouragan Katrina. Carlin est contacté par le FBI qui lui propose d’intégrer un groupe ayant accès à un projet top secret.
Cette fois, Tony Scott orchestre un thriller avec une incursion dans la science-fiction. L’enquête commence véritablement avec cette fenêtre temporelle qui n’est pas sans rappeler la machine de Minority Report et ses écrans en perpétuel mouvement. Après un discours scientifique embrouillé que tout spectateur moyen aura de la peine à décrypter, on peut déjà dresser un premier constat : le scénario pêche par son manque d’originalité et l’intrigue apparaît linéaire comme si à notre tour, on pouvait voir dans l’avenir. Entraîné par le rythme, on ne prêtera pas attention aux incohérences qui se glisseront pendant le film. Même la romance (un clin d’œil à Quelque part dans le temps) qui se dessine entre notre limier et la future victime présentera un relatif intérêt.
Toutefois, quelques éléments sont à sauver et relèvent le niveau de l’intrigue. D’abord, Tony Scott semble s’être débarrassé de ses tics clippesques. Le spectacle est assuré grâce à un montage nerveux et des scènes d’action bien dosées dans le récit, notre héros courant contre le temps notamment dans une séquence de poursuite juxtaposée sur deux périodes. Mais il convient surtout de saluer la prestation des acteurs. Avec une aisance remarquable, Denzel Washington prête son charisme et sa classe à cet enquêteur en s’impliquant émotionnellement et physiquement. Val Kilmer quant à lui s’illustre dans un rôle qui lui va comme un gant. Une fois de plus, Jim Caviezel est hallucinant dans sa folie et son sectarisme. Enfin, Paula Patton fait des débuts plutôt réussis à l’écran.
Même si le suspense fait défaut, Déjà vu se suit sans déplaisir et remplit les critères du divertissement sous adrénaline tout en étant porté par les larges épaules d’un immense comédien.
L’ENLEVEMENT (2004) de Pieter Jan Brugge avec Robert Redford, Willem Dafoe, Helen Mirren.
Pour son premier long métrage, Pieter Jan Brugge, producteur entre autres de Heat et Révélations, s’inspire d’un fait divers survenu en Hollande. Il avoue être influencé par les thrillers américains des années 70 et des cinéastes tels que William Friedkin ou Alan J. Pakula.
Le film présente un montage alterné avec deux histoires racontées en parallèle : d’un côté, la détresse et l’attente de la famille Hayes et d’un autre, la lente traversée de la forêt du ravisseur et son otage vers une mystérieuse destination.
Avec sa prestance habituelle, Robert Redford incarne avec force et conviction cet homme d’affaires prisonnier d’un homme déçu par la vie, campé par le talentueux Willem Dafoe. Au-delà des dialogues et des regards croisés, on devine leurs failles, leurs doutes ou leurs craintes. A travers le portrait de ces deux personnages, faut-il y discerner une parabole sur la réussite ? Le face à face psychologique entre ces deux classes sociales tend à le faire croire. Le réalisateur prend donc le parti de s’attarder sur l’évolution des rapports entre le kidnappeur et sa victime. Un choix judicieux puisque le regard sur la famille riche s’encombre parfois de clichés.
Maintenant si l’histoire est susceptible d’emporter l’adhésion, il y a aussi matière à discussion notamment sur son traitement. Il est vrai qu’on attend désespérément l’idée qui pourrait relancer le récit car le scénario tombe à plat et ne débouche sur aucune finalité. Le seul mérite du réalisateur étant de ne pas céder aux standards hollywoodiens et au spectaculaire. Pourtant, l’ensemble parait un peu trop sobre au point que le suspense ne fonctionne pas et que la mise en scène soit pourvue d’un rythme lent malgré une tentative d’y insuffler une certaine atmosphère. Un autre défaut remarqué dans la construction narrative, des flashback qui sont répartis maladroitement et sans aucune transition.
Un film un peu décevant qui trouve un réel intérêt dans une interprétation de qualité. On est plus proche du drame psychologique sous somnifère que du polar haletant sous tension.
GET CARTER (2000) de Stephen Kay avec Sylvester Stallone, Rachel Leigh Cook, Mickey Rourke.
Jack Carter est chargé d’encaisser les impayés pour le compte d’un prêteur sur gages de Las Vegas. Lorsqu’il apprend le décès de son frère, il décide de regagner Seattle et de renouer avec une famille trop longtemps négligée. Mais celle-ci l’accueille avec méfiance. Au cours de son enquête, il découvre que la mort de son frère n’est pas accidentelle et entreprend de trouver le coupable.
Auparavant réalisateur d’un Suicide Club (1997) avec Keanu Reeves, Stephen Kay s’est attelé ici à remettre au goût du jour La loi du milieu (1971), un classique du polar britannique réalisé par Mike Hodges, lui-même s’étant inspiré d’un roman de Ted Lewis. Après ses exploits de Driven, Sylvester Stallone succède à Michael Caine qui en accédant à un rôle secondaire, fait en quelque sorte la jonction entre les deux versions.
Il semble évident que l’on ne tombera pas sur une intrigue originale car il ne s’agit là que d’un remake. Le seul intérêt du film résidant dans la prestation de Sylvester Stallone qui a démontré par le passé qu’il pouvait être un grand acteur, que ce soit pour le premier Rocky (1976) ou plus récemment dans Copland (1996). A la différence de l’original où Michael Caine incarnait un tueur professionnel à la froideur exemplaire, le comédien compose un Jack Carter différent, moins glacial, plus humain mais tout aussi élégant. C’est donc dans ce personnage obsédé par la mort de son frère qu’il a ajouté sa touche personnelle : une brute certes mais vieillissante et dotée d’une certaine sensibilité qui aspire à la réconciliation avec ses proches. D’ailleurs, les meilleures scènes se déroulent entre Carter et sa nièce jouée par Rachel Leigh Cook. Ces passages demeurant la seule lueur d’émotion du récit. Quant à Mickey Rourke, que l’on a connu moins transparent, il traîne péniblement sa mine de mauvais garçon et échange de courts dialogues puis enfin des coups avec son adversaire. En outre, on adhère difficilement à cet affrontement prémédité et cela malgré un curieux rebondissement final.
De ce long métrage, on retiendra donc que le réalisateur ne parvient pas à installer une véritable ambiance de film noir comme l’avait fait Mike Hodges, s’inscrivant plutôt dans une mode de polar survitaminé. Il se contente d’aligner de banales scènes d’action, rythmées par une bande son nerveuse et parfois appuyées d’effets de style. De son côté, Sylvester Stallone devrait songer à se tourner vers des rôles plus sobres si il veut espérer relancer une carrière sérieusement amochée. Get Carter aurait peut être eu sa chance dans les années 80 mais il semblerait qu’il arrive avec une décennie de retard.
HANNIBAL (2001) de Ridley Scott avec Anthony Hopkins, Julianne Moore, Gary Oldman, Ray Liotta.
Dix ans ont passé depuis l’évasion du docteur Hannibal Lecter. Celui-ci s’est exilé à Florence où il est sur le point d’être nommé conservateur d’un musée. Aux Etats-Unis, le milliardaire Mason Verger, l’une de ses anciennes victimes, n’aspire qu’à la vengeance et monte un plan dans le but d’attirer le psychopathe cannibale dans son antre. Il se sert de l’agent du FBI, Clarice Starling comme appât.
Troisième adaptation d’un roman de Thomas Harris, reconnu comme un auteur prolifique et financièrement rentable, après Le sixième sens (Dragon rouge) et Le silence des agneaux, cette suite se veut une nouvelle aventure du psychiatre adepte du cannibalisme à l’approche radicalement différente.
Ecartant le ton suggestif de Jonathan Demme, Ridley Scott se tourne vers une mise en scène cadrée sur l’esthétisme. Il nous offre quelques beaux plans de l’architecture Florentine datant de la renaissance, durant une bonne partie du film. Un parallèle est établi entre le romantisme de l’intrigue et le barbarisme de certains actes, le tout saupoudré de quelques notes d’humour noir. Pourtant, on sent le scénario bâclé avec l’enchaînement de situations qui deviennent prévisibles et d’une liste de protagonistes appelés à mourir.
Anthony Hopkins se retrouve face à Julianne Moore qui succède dignement à Jodie Foster (ayant refusé de reprendre le rôle, jugeant le scénario trop horrifique) et à un Gary Oldman (métamorphosé pour l’occasion en légume) dépravé dont le visage filmé en gros plan, inspire le dégoût. Si le personnage de Clarice Starling a gagné en maturité, celui d’Hannibal Lecter paraît moins dangereux et adopte un comportement plus docile (il a en partie perdu son cynisme d’antan). Viennent ensuite les quelques scènes gores écœurantes à souhait (tripes à l’air, chair déchiquetée et en dessert, la cervelle à déguster) qui surchargent le film et le font dériver vers un registre d’épouvante. On en rajoute même une louche dans l’épilogue.
Bref, pour ceux qui s’attendaient à retrouver l’ambiance oppressante du Silence des agneaux, dont l’intérêt résidait dans l’affrontement psychologique entre les deux acteurs principaux, risquent d’être fortement déçu par ce nouvel opus. Les autres apprécieront le développement de l’histoire d’amour et la surenchère de gore "artistique".
HITCHER (1986) de Robert Harmon avec Rutger Hauer, C. Thomas Howell, Jennifer Jason Leigh.
Hitcher est le premier film de Robert Harmon, réalisateur occasionnel de série B à la filmographie peu fournie où figurent Cavale sans issue avec Jean-Claude Vandamme et Highwaymen avec Jim Caviezel.
Le parcours est celui de Jim Halsey qui doit convoyer une voiture à travers le désert californien jusqu’à San Diego. La nuit venue sous une pluie battante, il embarque un auto-stoppeur dans le but de ne pas s’assoupir au volant. L’étrange passager nommé John Ryder ne tarde pas à révéler sa nature psychopathe. Après cette première rencontre, Ryder ne cessera de harceler le jeune homme qui trouvera l’appui de la serveuse Nash.
C’est à un bien curieux jeu du chat et de la souris que nous convie le réalisateur. D’emblée, la terreur se distille : le prédateur choisit sa proie et la traque inlassablement, il ne veut pas la tuer mais la manipuler pour qu’elle se retrouve dans une situation désespérée face aux patrouilles de police. Combinant intelligence et démence, Ryder apparaît comme un personnage d’où émane une dimension surnaturelle (il semble avoir la faculté d’anticiper les déplacements du jeune homme). Il surgit là où l’on ne l’attend pas forcément à la manière d’un diable qui sortirait de sa boite. Un vagabond du bitume condamné à errer et à semer la mort. Le plan en contre-plongée où l’auto-stoppeur fou se relève, reflète son imposante monstruosité tel un ogre rôdant sur l’asphalte afin de dévorer un éventuel petit poucet.
Dans la lignée de son rôle de l’androïde de Blade Runner, l’impressionnant Rutger Hauer n’a pas besoin de dialogues, il lui suffit d’un simple regard et d’un sourire pour glacer le sang. Sa sobriété et son ambiguïté n’en sont que plus inquiétantes. C. Thomas Howell (découvert dans Outsiders de Coppola) et Jennifer Jason Leigh (déjà partenaire de Hauer dans La chair et le sang de Paul Verhoeven) incarnent ses parfaites victimes prises dans l’engrenage infernal de la cruauté et du sadisme sans limites de leur poursuivant. Un duel qui ne se veut pas uniquement physique mais aussi psychologique en mettant à rude épreuve les nerfs du héros et ceux du spectateur.
Hitcher ne cache pas sa parenté avec Duel, Mad Max ou plus récemment Breakdown pour l’exploitation des espaces désertiques dans un large format d’écran. La subtilité du montage appuie la mise en scène qui alterne plages de silence, lenteurs de mouvements de caméra et scènes d’action nerveuses. L’atmosphère sous tension est accentuée par les partitions synthétiques de Mark Isham tandis que le suspense fonctionne constamment à plein régime jusqu’à l’affrontement final.
A la lisière du fantastique, Hitcher est un road-movie maîtrisé, doublé d’un thriller haletant porté par le jeu tout en finesse de Rutger Hauer. Le film a obtenu le Grand prix du festival de Cognac en 1986 et deux autres récompenses. Une suite a vu le jour en 2003 : Hitcher 2 de Louis Morneau avec C. Thomas Howell, Kari Wuhrer et Jake Busey.
LES INFILTRES (2006) de Martin Scorcese avec Jack Nicholson, Leonardo DiCaprio, Matt Damon.
Faisant partie d’un panthéon où figurent Coppola, Cimino, De Palma Friedkin ou Spielberg, Martin Scorcese a alterné chefs d’œuvre et films moins ambitieux, fondant sa notoriété en partie grâce à sa collaboration avec Robert De Niro, son acteur fétiche. Depuis Gangs of New York et Aviator, Leonardo DiCaprio semble avoir pris le relais. The Departed (carton rouge pour le titre français qui manque d’envergure) s’inspire du premier volet de la trilogie hongkongaise Infernal Affairs (2002) signé Andrew Lau & Alan Mak avec Tony Leung et Andy Lau. Le cinéaste s’était déjà essayé de brillante manière à l’exercice du remake avec Les nerfs à vif en 1991.
Scorcese quitte New York, son terrain de prédilection et ses mafieux italiens pour planter son décor à Boston où se livre une guerre sans merci entre les unités spéciales de la police et un gang irlandais dirigé d’une main de fer par Frank Costello. Au sein des deux camps se cache une taupe. Colin Sullivan travaille en secret pour le compte de Costello tandis que la recrue Billy Costigan informe des agissements de la pègre.
Une fois n’est pas coutume, Scorcese capte les émotions chez ses interprètes et soigne ses cadres afin de donner corps à l’intrigue. Si le scénario a conservé les grandes lignes de l’original, c’est plutôt du côté des Affranchis (1990) qu’il faut chercher quelques influences. L’auteur prolonge ainsi son exploration de thèmes comme la violence urbaine, les rapports de force, la loyauté ou la trahison. Mais ce qui intéresse principalement le réalisateur, ce sont les protagonistes à travers leurs actes et leurs relations d’où ce rapport à la filiation (d’un côté, Costello et Sullivan et de l’autre, Queenan et Costigan). Sous couvert d’un remake, le récit s’approprie les personnages originels pour leur conférer une dimension scorcesienne avec leurs drames personnels et leur complexité. Il se profile ensuite un nouvel enjeu avec ce jeu du chat et de la souris (la recherche de l’identité du "traître" dans les rangs adverses) qui accentue la tension et on déplorera l’intervention d’une romance aussi mièvre qu’inutile.
A travers son objectif, Scorcese met en valeur une distribution impressionnante de justesse. Alors que Robert De Niro devait initialement prêté ses traits au parrain irlandais, Jack Nicholson use de sa palette la plus cynique d’expressions faciales (sourcils sardoniques et sourire carnassier y sont légions). Le spectateur ne sera donc pas surpris de la crudité de certaines de ses répliques. Dans la continuité de son rôle de Gangs of NY, Leonardo DiCaprio démontre l’intériorité de son jeu tout en écorchant son image de beau gosse. A contre-courant, Matt Damon est remarquable de sobriété et de fausseté. D’autres comédiens expérimentés comme Martin Sheen et Alec Baldwin se distinguent par leur forte présence à l’écran. Et une mention spéciale à Mark Wahlberg pour sa prestation de grande gueule.
Grâce à une mise en scène appliquée et une interprétation de premier choix, The Departed s’affiche comme une nouvelle réussite au palmarès exhaustif du réalisateur. Tel est le cinéma de Scorcese : intimiste, violent, nostalgique parfois cru mais toujours aussi passionné.
INSOMNIES (2000) de Michael Walker avec Jeff Daniels, Gil Bellows, Emily Bergl.
Ed Saxon, professeur de lettres, est en proie à l’insomnie : Eve, sa femme n’est pas rentrée ce soir-là. Inquiet, il appelle une amie de celle-ci, les urgences puis la police. Les heures passent et Ed perd bientôt la notion du temps et le sens de la réalité. D’étranges bruits se mettent à résonner dans la maison alors que la police entame des recherches sur l’épouse disparue.
Pour son premier long métrage récompensé par le prix du Jury au Festival Fantastic’Arts de Gérardmer 2001, le réalisateur Michael Walker nous entraîne dans les tourments de l’âme humaine : il nous propose un véritable cauchemar les yeux grands ouverts sous l’influence de cinéastes cultes comme David Lynch ou encore David Cronenberg.
Le film démarre par une intrigue assez banale : une femme ne rentre pas chez elle, son mari s’inquiète. Et au lieu du coutumier thriller à images chocs, le récit relègue l’enquête policière au second plan et opte pour un huis clos où l’on suit la déchéance physique et mentale de ce professeur de littérature qui a bien du mal à se retrouver dans les bras de Morphée. Campé par un impressionnant Jeff Daniels utilisé à contre emploi et presque méconnaissable, l’enseignant reçoit la visite d’une galerie d’étranges personnages parmi lesquels un Gil Bellows (Les évadés) en inspecteur de police et une Emily Bergl (Carrie 2 : la haine) en "timide" étudiante, ceux-ci se révélant ambigus à souhait.
Volontairement cloîtré et bourré de somnifères, l’enseignant ne sait bientôt plus distinguer tout comme le spectateur, la frontière entre la réalité et le surnaturel. D’ailleurs, ses symptômes hallucinatoires se rapprochent de l’esprit fantasmagorique de Shining. Le réalisateur parvient à instaurer un climat oppressant qui oscille entre le polar et le fantastique expérimental. Pour créer une tension, l’œuvre ne déploie pas un éventail d’effets spéciaux tapageurs mais quelques figures de style (un subtil jeu de zooms pour les transitions et un filtre coloré pour inspirer le malaise) épaulées par une caméra suggestive. On ne quitte jamais la maison où alors seulement par la pensée, le téléphone représentant le seul lien avec l’extérieur. Entre le plafond crevé par l’humidité comme une blessure ouverte, l’eau suintant des murs comme le sang coulant des veines et la tuyauterie émettant des grincements comme un cri plaintif, le spectre de l’angoisse hante cette demeure dont les entrailles se dégradent au même rythme que la santé d’Ed Saxon. L’anxiété laisse place au remord tandis que les délires visuelles se teintent de pourpre.
Entre folie ambiante et paranormal, une descente dans les enfers de la conscience orchestrée par un metteur en scène prometteur qui a réussit sa première incursion dans le cinéma d’auteur fantastique.
INSTINCTS MEURTRIERS (2004) de Philip Kaufman avec Ashley Judd, Samuel L. Jackson, Andy Garcia.
Il est surprenant de constater que derrière la caméra, on retrouve le cinéaste Philip Kaufman, autrefois reconnu pour L’étoffe des héros, fresque sur la conquête spatiale mais aussi il faut le rappeler, créateur avec George Lucas du personnage d’Indiana Jones. Plus de dix ans après Soleil levant, le réalisateur décide de revenir arpenter le terrain du thriller.
Le long métrage commence sur des panoramiques de San Francisco dans la brume où se noie le Golden Gate. Une première intervention plutôt musclée de l’héroïne et l’on apprend qu’elle se nomme Jessica Shepard, inspectrice promue à la brigade criminelle. Suite à une série de meurtres à l’aspect rituel, elle enquête avec son co-équipier Mike Delmarco et découvre que les victimes sont ses anciens amants. Hanté par le passé psychopathe de son père, elle commence à douter d’elle-même.
Voilà un film de serial killer de plus qui débarque sur les écrans et que certains ont déjà osé comparer à Seven ou Basic Instinct (qui est tout de même incohérent dans son final). Mais en regardant de plus près, les coïncidences avec les oeuvres citées précédemment sont en vérité minimes car ce petit polar, certes pas très original sur le fond et qui aurait même des odeurs de film de commande n’est pas si ennuyeux que l’on voudrait nous faire croire. Tout d’abord, on remarque que la distribution est de premier ordre avec des comédiens rompus à ce registre. La talentueuse Ashley Judd met toute sa conviction au service du rôle : entre impulsivité et vulnérabilité, elle laisse parfois exprimer sa grâce féline dans certaines scènes. Ses partenaires, le trop rare Andy Garcia en détective amouraché et Samuel L. Jackson, le mentor et protecteur divisionnaire viennent lui prêter main forte. Et puis il est devenu rare de voir une femme être l’héroïne d’un suspense.
De plus, la mise en scène opte pour la sobriété : pas de montage nerveux, ni de scènes chocs et les revolvers sortent très peu de leurs étuis. L’intrigue maintient le suspense et jette la suspicion sur chaque protagoniste de l’affaire. L’ambiguïté de ceux-ci étant entretenu par le jeu subtil des acteurs. Même si les recettes inhérentes au genre sont appliquées, il reste bien difficile de dénicher le coupable. Le seul défaut que l’on pourrait reprocher à ce film, est en fait l’absence d’une véritable ambiance.
En somme et cela malgré sa courte durée, Instincts meurtriers se révèle un polar sans prétention qui remplit honorablement son contrat de divertissement et qui bénéficie en outre de l’expérience d’un réalisateur confirmé.
MAN ON FIRE (2004) de Tony Scott avec Denzel Washington, Dakota Fanning, Christopher Walken.
Après USS Alabama en 1995, Tony Scott retrouve Denzel Washington pour une adaptation de L’homme de feu, le roman de A.J. Quinnell inspiré par des faits réels et mettant en scène l’ex-agent de la CIA, John Creasy également présent dans trois autres livres du même auteur. Man On Fire avait connu une première version signée Elie Chouraqui en 1987 avec Scott Glenn dans le rôle principal.
Le postulat de départ résulte d’un constat pessimiste : La ville de Mexico est présentée comme le fief de la corruption et le théâtre de fréquents enlèvements avec rançon à la clé. Dans ce contexte, Creasy propose ses services à une riche famille pour assurer la protection de leur fille, Pita. La première partie expose les personnages en abordant l’amitié de longue date entre Creasy et Rayburn puis en développant la relation entre le garde du corps et sa protégée où la figure paternelle fait peu à peu surface. Creasy apparaît d’abord comme un homme inflexible, insensible dont la plus grande faiblesse se reflète dans une bouteille de whisky. Il est mal à l’aise devant cette petite fille qui veut devenir à tout prix son amie. C’est dans ces scènes intimistes que Denzel Washington démontre toute l’intériorité de son jeu avec la classe qu’on lui connaît face à la très jeune Dakota Fanning, impressionnante de maturité. Si Denzel Washington domine par la force des choses, le comédien est soutenu par de solides pointures comme le grand Christopher Walken, le rarissime Mickey Rourke, Rachel Ticotin (Total Recall) et Giancarlo Giannini (Hannibal).
Puis survient la seconde partie plongée dans une atmosphère moite où Tony Scott fait ressortir ses complexes d’esthète clippeur dans une mise en scène de la vengeance qui cumule un bon catalogue d’effets de style : photo granuleuse, couleurs saturées, image délavée ou dédoublée, cadrages instables et montage frénétique voire épileptique. Tout le répertoire de l’expérimental y passe. Est-ce pour traduire l’état d’esprit embrouillé du héros ? En tout cas, ces flashs interminables finissent par fatiguer la rétine. De plus, certaines scènes d’une violence inouïe sont à déconseiller aux âmes sensibles car rien n’est épargné.
Man On Fire aurait pu être un film intéressant car si le scénario s’amorce plutôt bien, il est plombé par la suite par beaucoup trop d’effets tapageurs. Même ce personnage d’homme d’action aurait gagné en densité si l’histoire avait levé le voile sur son passé qui restera une énigme. On peut aussi se demander pourquoi Tony Scott n’a pas continué à garder sa ligne de conduite depuis le milieu des années 90 avec des réalisations réussies comme Ennemi d’état ou Spygame. Espérons qu’il redeviendra plus raisonnable en suivant l’exemple de son talentueux grand frère Ridley.
LE MASQUE DE L’ARAIGNEE (2001) de Lee Tamahori avec Morgan Freeman, Monica Potter, Michael Wincott.
Dans un pensionnat surveillé en permanence, la fille d’un sénateur est kidnappée. Le docteur Alex Cross est forcé de sortir de sa retraite pour apporter son concours aux membres du FBI en tant que profiler. Lui et Jezzie Flannigan, un agent des services secrets cumulent les indices et découvrent l’identité du ravisseur dont les motivations restent encore obscures.
Après Gary Fleder pour Le collectionneur, le réalisateur néo-zélandais Lee Tamahori (L’âme des guerriers) adapte une nouvelle enquête du profiler Alex Cross, personnage crée par James Patterson et héros d’une série de romans à suspense.
L’impeccable Morgan Freeman (dont la société Révélations a produit le film) prête de nouveau ses traits à ce fin limier, sorte de déclinaison du William Sommerset de Seven, accompagné par une pléiade de seconds rôles qui lui servent avant tout de faire-valoir : Monica Potter (Dr Patch) dont le talent reste à confirmer et un Michael Wincott habituellement crapule de première catégorie dans bon nombre de films dont The Crow incarne ici un méchant sans réelle consistance.
Ce thriller psychologique offre son lot de divertissement en multipliant les fausses pistes et en promettant un intéressant retournement de situation. Malgré quelques trouvailles scénaristiques (le passage de la remise de la rançon sort des conventions habituelles), il manque à la mise en scène un certain rythme car la tension s’essouffle vite et le suspense ne prend pas assez pour tenir le spectateur en haleine. Il faut avouer que l’on a même affaire au classique film de psychopathe tirant sur quelques ficelles du genre (pour preuve, on y retrouve la course entre les cabines téléphoniques de L’inspecteur Harry). Autrement dit, difficile d’innover dans un registre qui a déjà maintes fois été exploré, surtout quand il s’agit de suivre l’enquête d’un profiler.
Toutefois, ce petit polar reste honnête et l’on a plaisir à retrouver, une fois n’est pas coutume, le grand Morgan Freeman au meilleur de sa forme qui endosse toute la responsabilité du film sur ses épaules.
MR. BROOKS (2007) de Bruce A. Evans avec Kevin Costner, Demi Moore, William Hurt.
Depuis le naufrage de Waterworld, la carrière de Kevin Costner prend apparemment l’eau (sans mauvais jeu de mots). Et l’on se demande bien où est passé le talent de l’inoubliable interprète d’Elliott Ness ou de John Dunbar. Car il faut avouer que ce n’est certainement pas ce Mr. Brooks un peu trop lisse qui va redorer son blason même si le comédien a fait le choix d’un rôle à contre-emploi censé rompre avec son image bienveillante.
Faisant preuve de sobriété, l’acteur incarne Earl Brooks, un homme d’affaires possédant deux facettes : mari et père exemplaire le jour mais assassin névrosé la nuit dont l’ego schizophrène est campé par l’ambigu William Hurt. Par son caractère addictif au meurtre, cet aspect Jekyll et Hyde de l’histoire peut séduire dans un premier temps puis finit par être redondant. En effet, le traitement des personnages laisse perplexe : le psychopathe tue, parle avec sa mauvaise conscience, exprime ses remords mais n’arrive pas à faire éprouver une quelconque antipathie ou à laisser planer l’ombre d’une menace latente. De son côté, Demi Moore desserre les dents en de très rares occasions. Elle joue l’inspectrice chargée de l’enquête qui est la cible d’un évadé et de surcroît, en plein divorce litigieux mais était-il nécessaire qu’elle adopte une attitude aussi crispée ?
Toutefois, quelques idées intéressantes sont distillées durant le long métrage mais les pistes ne sont pas assez creusées. Même certaines séquences ont tendance à recycler ce qui a déjà été exploité en matière de thriller psychologique (ah, le tueur qui fait appel à la foi religieuse pour ne pas céder à la tentation) et la mise en scène pâtit d’un rythme particulièrement mou du genou au point que la moindre tension s’évapore aussitôt installée. Mais le grotesque vient le disputer à l’incohérence lorsque le tueur en série est victime d’un maître-chanteur en mal de sensations fortes puis découvre que son patrimoine génétique nuit à sa descendance. Avec un scénario cumulant autant d’intrigues secondaires, le spectateur prend conscience qu’on a réussit à le berner en lui proposant un polar de fond de tiroir ne tenant pas ses promesses surtout avec une hypothétique confrontation entre Costner et Moore.
Plus proche du téléfilm aux ficelles usées que d’un audacieux suspense hitchcockien, Mr. Brooks arpente des sentiers battus et vient compléter la liste exhaustive des navets de la filmographie de Kevin Costner. Celle-ci sur la dernière décennie compte deux œuvres intéressantes sur dix (13 jours et Open Range). Constat assez triste pour un acteur qui fut aussi populaire. Un beau gâchis de talents en somme pour un film dont le principal défaut est de se reposer sur les acquis du genre.
MORT OU VIF (1987) de Gary Sherman avec Rutger Hauer, William Russ, Gene Simmons, Robert Guillaume.
D’origine hollandaise, Rutger Hauer fut l’acteur fétiche de Paul Verhoeven sur près d’une décennie avant de le retrouver une dernière fois pour La chair et le sang lors de sa carrière américaine. Avec une prédilection pour les rôles ambigus, l’acteur a rencontré une certaine popularité grâce à l’androïde fugitif de Blade Runner puis l’auto-stoppeur psychopathe de Hitcher.
S’éloignant de ses critères habituels, le comédien prend les traits du chasseur de primes Nick Randall, arrière petit-fils de Josh Randall (héros de la série Au nom de la loi qui lança Steve McQueen). Randall traque les hors-la-loi de tous bords dont la tête est mise à prix et collabore avec l’inspecteur Danny Quintz de la police de Los Angeles. Suite à un attentat perpétré par le terroriste fanatique Malak Al Rahim, Randall est contacté par les services spéciaux.
Et comme de coutume, l’enquête va devenir une affaire personnelle lorsque le passé vient s’en mêler. Le scénario ne fait donc pas preuve d’une grande finesse mais il faut le replacer dans un contexte où les séries B n’avaient que pour unique prétention de divertir. Car excepté deux ou trois longueurs, l’ennui pointe rarement son nez et l’intrigue se suit sans déplaisir. Le seul défaut qui domine le film apparaît dans son côté estampillé année 80 (la coupe de cheveux du héros constitue un bel exemple). Malgré ce léger coup de vieux, la réalisation de Gary Sherman (Poltergeist 3) s’avère doter d’un rythme honorable pour garantir une dose appropriée d’action et un suspense qui tient la route. Dans ce western urbain, Rutger Hauer semble beaucoup s’amuser à jouer ce personnage à l'attitude décontractée et aux répliques cinglantes. Face à lui, l'ennemi public numéro 1 est campé par un Gene Simmons (leader du groupe de hard rock Kiss) qui a la fâcheuse tendance de froncer les sourcils pour se donner un air machiavélique.
Même si il n'échappe pas aux stéréotypes, Mort ou vif s’affiche comme un polar d'honnête facture ancré dans une époque et dont les moyens modestes ne cherchent pas à rivaliser avec les grosses productions. Quant à Rutger Hauer, le spectateur a pu le revoir dernièrement dans Batman Begins et Sin City où il incarnait des individus peu recommandables.
OUT OF TIME (2003) de Carl Franklin avec Denzel Washington, Eva Mendes, Sanaa Lathan, Dean Cain.
Spécialisé dans le domaine du thriller, Carl Franklin a été révélé par l’étonnant Un faux mouvement et a réalisé dernièrement Crimes et pouvoir avec Morgan Freeman et Ashley Judd. Après Le diable en robe bleue, film noir nostalgique, il dirige à nouveau un Denzel Washington mêlé à une enquête tortueuse. Comme dans Ricochet, l’acteur y incarne un policier ambigu embarqué dans les rouages d’une sale affaire.
Après une longue exposition des protagonistes, l’intrigue policière démarre avec le vol d’un magot issu de la drogue suivi d’un incendie entraînant la mort suspecte de la maîtresse de notre héros et de son mari. Le chef Whitlock se retrouve alors pris dans un étau qui l’étreint inexorablement et doit se démener comme un beau diable pour détourner des preuves qui ne cessent de l’accabler.
Baignant dans une ambiance tropicale (l’histoire se situe en Floride) et emmené par un rythme jazzy, on suit volontiers Denzel Washington qui prête tout son charisme à ce personnage luttant contre le temps et s’investit dans un jeu plus physique qu’à l’accoutumée. Le récit offre quelques moments de tension qui tiennent véritablement en haleine comme la scène du fax ou celle dans l’hôtel. Malgré un suspense qui fonctionne plutôt bien, le scénario se révèle parfois convenu et ses ficelles parfois grosses reposent sur certains effets de hasard et cela jusque dans l’ultime confrontation. Toutefois, le film est émaillé de quelques notes d’humour bienvenues mais n’échappe pas au traditionnel happy end. Quant aux rôles secondaires, ils servent un tantinet de faire-valoir : Eva Mendes en élégante inspectrice et Sanaa Lathan (respectivement future ex-femme et maîtresse du héros) sont certes ravissantes mais leur prestation reste limitée de même que celle de Dean Cain, le Superman de la série Lois & Clark qui s’en tire ici honorablement en mari brutal.
Out of Time (hors délai) se veut donc un divertissement sans prétention en remplissant parfaitement son contrat d’honnête polar dans lequel la prestance et le talent du grand Denzel font une nouvelle fois mouche.
PAS UN MOT (2001) de Gary Fleder avec Michael Douglas, Sean Bean, Brittany Murphy, Famke Janssen.
Cantonné dans le genre policier, Gary Fleder est l’auteur du mélancolique Dernières heures a Denver ainsi que du Collectionneur, un thriller qui lorgnait du côté de Seven. Il se tourne cette fois vers un polar psychologique dans la lignée de La rançon, dont le scénario puise son inspiration dans un roman à suspense d’Andrew Klavan.
L’introduction s’annonce d’une manière plutôt classique : dans une atmosphère teintée de filtre bleu, une caméra très nerveuse suit le braquage d’une banque. On s’attend alors à une énième histoire de fuite avec prise d’otages à la clé mais la suite déroute en changeant complètement de cadre. Une décennie plus tard et nous voilà projetés à la veille de Thanksgiving où dans l’environnement glacial d’un hôpital psychiatrique, le docteur Nathan Conrad tente désespérément d’établir un contact avec la jeune Elisabeth Burrows (Brittany Murphy). Le lendemain, la petite fille de celui-ci est enlevée par des ravisseurs qui exigent un numéro que seul connaît l’adolescente internée.
Il faut reconnaître que Michael Douglas exploite à merveille ce registre et incarne avec le talent et la justesse qu’on lui connaît cet éminent psychiatre pris entre deux feux. Face à lui, Sean Bean (le chef des braqueurs qui ne prend pas une ride en dix ans !) endosse une fois de plus sa panoplie de tueur et finit par plagier son propre rôle de Jeux de guerre. De plus, le personnage de l’inspectrice (Jennifer Esposito) qui enquête parallèlement sur des homicides en rapport, est certes intéressant mais effleuré et surtout très mal amené. L’étau se resserre et de fil en aiguille, tous ces protagonistes se rejoignent dans un dénouement qui sombre malheureusement dans le conventionnel.
Si l’intrigue parvient à maintenir une certaine tension (l’ultimatum de sept heures) grâce à quelques rebondissements parsemés de trouvailles scénaristiques (l’énigmatique numéro), elle n’hésite pas à avoir recours aux raccourcis et à des situations incohérentes. Le réalisateur aurait pu également s’attacher à développer l’aspect psychanalytique ce qui aurait apporté un peu de consistance à son film. Au final, Pas un mot demeure un polar divertissant qui doit beaucoup à la présence de l’impeccable Michael Douglas mais qui ne fera pas date dans sa filmographie.
PERE ET FLIC (2002) de Michael Caton-Jones avec Robert De Niro, James Franco.
La ville au bord de l’océan.
Voilà un film qui risque malheureusement d’être desservi par son titre français affreusement ridicule et pas du tout inspiré faisant penser à une comédie de seconde zone. D’ailleurs, c’était le titre d’un téléfilm avec feu Charles Bronson, comme quoi ceux qui choisissent les traductions françaises manquent d’imagination. Bref, ce long métrage a été tourné en 2002 et s’inspire de l’article d’un journal relatant des faits réels. L’éclectique Michael Caton-Jones (Rob Roy, Memphis Belle) dirige à nouveau Robert De Niro après le très beau Blessures secrètes (1993) où le comédien incarnait le beau-père tyrannique de Leonardo DiCaprio, alors quasiment inconnu du grand public.
City by the Sea (titre original plus lyrique) est l’histoire d’un dilemme : celui d’un père, Vincent Lamarca, policier intègre au passé torturé qui enquête sur un meurtre dont le principal suspect est Joey, son fils junkie qu’il n’a pas vu depuis des années. En tant que père, il doit le protéger de ses propres collègues et d’un psychopathe. En tant que flic, il doit l’arrêter pour l’empêcher de nuire.
On ne tarira pas d’éloges sur la justesse de l’interprétation de Robert De Niro qui n’a plus rien à prouver (près de 40 ans de carrière dans tous les registres !), n’en déplaise à certains critiques qui le trouvent de plus en plus mauvais. S’éloignant de ses comédies grimaçantes, l’acteur aux mille visages revient à une composition plus intérieure et grave car il s’agit bien d’un drame familial doublé d’une intrigue policière traversée par quelques notes de poésie. Loin des sempiternelles scènes d’action avec effets de style, le réalisateur a voulu privilégier la psychologie de personnages fouillés en abordant le thème de la figure paternelle et les rapports entre générations. A ce propos, les dialogues entre De Niro et Franco sont véritablement poignants. On suit donc le développement du récit avec beaucoup d’intérêt malgré une mise en scène manquant parfois d’un réel suspense, un scénario n’épargnant pas certains lieux communs et les scènes prévisibles.
Même si Robert De Niro tient la tête d’affiche à lui tout seul, il reste très bien accompagné. Ainsi, ses proches sont joués avec conviction par Frances McDormand (Fargo) et le surprenant James Franco (Harry Osborn dans les deux Spider-Man). Il retrouve également ses partenaires de Il était une fois en Amérique (William Forsythe, toujours à l’aise en crapule de service) et Voyage au bout de l’enfer (George Dzundza, le coéquipier fidèle).
City by the Sea se veut essentiellement un polar intimiste admirablement servi par une distribution de grande qualité. Et l’on est content de revoir Robert De Niro dans un rôle bouleversant à la hauteur de son immense talent.
LE PRIX DE LA LOYAUTE (2008) de Gavin O'Connor avec Edward Norton, Colin Farrell.
Fils de policier, Gavin O'Connor s'inspire de cette expérience et s'adjoint les services du réalisateur-scénariste Joe Carnahan (Narc) pour mettre en scène un polar urbain sur fond d'honneur familial. Suite au meurtre de quatre policiers, Ray Tierney réintègre la brigade des stupéfiants afin de trouver une piste et ne tarde pas à porter des soupçons sur ses proches également dans la police.
L'univers de la corruption policière a été maintes fois évoqué dans l'œuvre de Sidney Lumet (Le Prince de New York ou Serpico) et plus récemment dans les adaptations du scénariste-romancier James Ellroy (L.A. Confidential ou Dark Blue). Si le sujet n'est pas novateur et rappellera par certains aspects le magnifique La nuit nous appartient de James Gray, l'intrigue est relativement bien menée et possède un réel potentiel dramatique pour éviter que l'ennui ne creuse son chemin au terme des deux heures de visionnage. A cet égard, les derniers rebondissements de l'affaire ne manquent pas de tensions. Certes, la réalisation demeure classique mais elle fait preuve d'une assez belle efficacité et opte principalement pour la sobriété. Sans effets de style appuyés ni maniérisme, quelques plans caméra à l'épaule conférent un cachet réaliste aux scènes de terrain avec parfois une photographie instaurant une ambiance proche du cinéma des années 70.
Mais plus que l'enquête policière, le récit s'attache à dépeindre une galerie de protagonistes pris entre le sens des responsabilités envers leur clan et le respect de l'éthique de la justice. Les membres d'une famille de flics irlandais qui sont interprétés par des comédiens dont la présence fait forte impression à l'écran. L'impeccable Edward Norton incarne le personnage intégre et déterminé dans sa quête de vérité. A l'inverse, Colin Farrell joue le type fougueux prêt à tous les excès pour arriver à ses fins. Jon Voight se montre remarquable de prestance en patriarche et Noah Emmerich révèle un véritable talent dans une prestation tout en intériorité.
En dépit de maladresses scénaristiques (le pot aux roses trop vite dévoilé), ce Prix de la loyauté constitue un film noir d'honnête facture servi par un formidable quatuor d'acteurs qui parviennent à compenser le classicisme de l'ensemble.
SUSPICION (2000) de Stephen Hopkins avec Gene Hackman, Morgan Freeman, Monica Belluci, Thomas Jane.
Sur l’île de Porto Rico, Henry Hearst, avocat de grande renommée et sa femme, Chantal s’apprêtent à se rendre à un gala de charité organisé au profit des victimes d’une tempête lorsque l’inspecteur Victor Benezet convoque le respectable citoyen pour lui demander de venir éclaircir quelques détails concernant son témoignage sur sa découverte d’une petite fille retrouvée morte la veille. La visite de courtoisie prend rapidement des allures d’interrogatoire musclé lorsque le quinquagénaire se contredit dans ses déclarations. Il devient alors le suspect idéal de deux crimes à caractère pédophile.
Remake du Garde à vue mis en scène par Claude Miller en 1981 (avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider), ce huis clos dans un commissariat est dominé par le jeu très nuancé de Gene Hackman entré dans la peau d’un avocat orgueilleux qui tombera le masque face à la pression constante exercée par un Morgan Freeman en inspecteur ambitieux et envieux. Le personnage rancunier de Freeman orchestre une vengeance personnelle à la limite du démoniaque en décortiquant la vie privée de son interlocuteur tant il est persuadé de sa culpabilité. Dans cette lutte verbale entre ces deux classes, faut-il y discerner une réflexion sur l’ambition et la réussite ? Morgan Freeman (dont la société Revelations a produit le long métrage) s’est investit complètement dans le projet en tant que producteur exécutif au même titre que Gene Hackman auquel ce projet d’adaptation tenait très à cœur.
A la base un roman de John Wainwright intitulé A table, le script est traité d’une façon plus "oxygénée" par le réalisateur Stephen Hopkins issu du milieu du clip et du spot publicitaire ayant tourné des suites comme Freddy 5 et Predator 2 ainsi que Blown Away, un thriller avec Jeff Bridges et Tommy Lee Jones. Le cinéaste a utilisé durant les scènes d’interrogatoire, un procédé consistant à incruster le personnage de Freeman (qui devient observateur) dans les séquences de flash-back des témoins.
Cette honnête transposition d’un classique du cinéma français est servie par un excellent numéro d’acteurs qui apportent toute leur conviction à une intrigue captivante et parfois sordide.
TRAINING DAY (2000) d’Antoine Fuqua avec Denzel Washington, Ethan Hawke.
Jake Hoyt, un jeune bleu naïf et idéaliste de la police de Los Angeles veut rejoindre la brigade des stupéfiants. Il sollicite une mise à l’épreuve de 24h auprès du sergent chef Alonzo Harris, vétéran de la lutte antidrogue opérant dans les quartiers chauds. Dés leur première rencontre, Harris montre un visage arrogant. Au cours d’une périlleuse tournée dans les bas-fonds, la pression monte entre lui et la jeune recrue.
Issu du clip et de la publicité, Antoine Fuqua avait précédemment réalisé Un tueur pour cible (avec Chow Yun Fat), un polar nerveux qui s’inscrivait dans la tradition des films de John Woo. Il livre cette fois-ci, un policier de bonne facture fondé sur le principe du tandem aux tempéraments opposés qui à première vue, se présente comme une énième déclinaison du duo Gibson-Glover. L’humour en moins, le cynisme en plus.
Training Day (mise à l’épreuve) bénéficie d’un rythme haletant appuyé par un scénario bien ficelé (mis à part quelques faiblesses en fin de parcours) et une interprétation sans bavure. L’atmosphère y est parfois pesante tant les relations entre les deux protagonistes sont tendues notamment grâce à un suspense qui va crescendo.
A travers cette confrontation psychologique, ce sont deux idéologies qui s’affrontent. Dans le blouson de cuir du flic sans scrupules, l’impérial Denzel Washington à contre-emploi, incarne ici avec maestria l’immoralité policière dans toute sa splendeur. Un personnage ambigu et manipulateur qui se révèlera être un caïd des banlieues dont les excès avec les dealers et les indics sont sans limites. Face à ce loup des bas-fonds, Ethan Hawke (découvert dans « Le cercle des poètes disparus » et remarquable dans Bienvenue à Gattaca) tient le rôle de l’agneau qui saura se rebeller au moment opportun. Le jeune flic candide et inexpérimenté, exemple d’intégrité, se faisant une idée noble de son métier (servir et protéger) est initié d’une manière plutôt rude aux lois de la rue. En indic de première catégorie, on remarque également la présence d’un très convaincant Scott Glenn qui se fait de plus en plus rare sur les écrans.
L’histoire se déroule sur une seule journée au cours de laquelle les évènements s’enchaînent : prise de drogue sous la contrainte, dettes d’argent, trahisons et meurtre. En fait, on devine comment ça va se terminer quand le soleil se couchera (un duel final comme dans les westerns ?) mais le dénouement peut surprendre parce qu’il détourne légèrement les conventions sans toutefois tomber dans l’originalité. De plus, les scènes d’action sont suffisamment tempérées pour éviter l’overdose de fusillades à grand renfort d’effets de style. Si le récit évoque la corruption dans le milieu policier, la misère sociale des ghettos et l’univers de la drogue, le réalisateur ne s’y attarde pas et ne donne pas un point de vue palpable à l’écran, il y insère même quelques clichés comme la violence des gangs dans les quartiers.
Grâce à une intrigue rondement menée, Antoine Fuqua se révèle un bon réalisateur de films d’action. Cependant, il lui reste à acquérir une certaine audace dans le propos. Seule sa prochaine mise en scène pourra le confirmer.
UNE VIREE EN ENFER (2001) de John Dahl avec Paul Walker, Steve Zahn, Leelee Sobieski.
Depuis la fin des années 80, John Dahl revisite les codes du film noir (le loser, la femme fatale,…) dans ses œuvres comme Kill Me Again, Red Rock West, Last Seduction ou encore Les joueurs. Cette fois, il livre un road movie avec quelques accents d’un thriller pour adolescents.
Lewis, un jeune étudiant traverse les Etats-Unis en voiture pour aller retrouver Venna, sa petite amie. Il fait un détour par le commissariat de police où Fuller, son frère aîné vient juste d’être libéré. En chemin, les deux acolytes montent un canular avec une CB en proposant une fausse rencontre à un routier. Le soir même, un homme est assassiné dans la chambre d’hôtel où était prévu le rendez-vous. La traque ne fait que commencer.
John Dahl aurait-il cédé aux sirènes d’Hollywood ? En effet, il est dommage de constater que ce cinéaste qui avait redonné du sang neuf au polar, brasse toutes les références pour livrer une production standardisée. Ainsi, l’inévitable Duel de Spielberg se retrouve en tête de liste pour le personnage du routier psychopathe et sans visage ne se manifestant que par une voix rocailleuse à travers une CB. Le trio de jeunes est bientôt traqué avec acharnement et c’est l’angoissant Hitcher qui arrive en seconde position. La mise en scène ne manque pourtant pas de dynamisme tandis que les jeunes comédiens se montrent plutôt convaincants. Mais le scénario se révèle bien trop linéaire pour parvenir à maintenir le spectateur sous tension tant les séquences de suspense où le tueur censé arriver à l’improviste, sont prévisibles. Dans la seconde partie, on retombe même dans le film de terreur à la mode dont Scream s’est fait le précurseur. La preuve est donnée dans le final qui laisse le champ libre à une éventuelle suite (déjà en tournage peut-être ?).
Avec cette virée en enfer, John Dahl s’est donc montré moins original qu’à l’accoutumée en filmant cette énième variation d’un classique de Spielberg dont certaines règles du scénario ont parfois tendance à tomber dans la facilité.
LE VILLAGE (2004) de M.Night Shyamalan avec Joaquin Phoenix, Bryce Dallas Howard, Adrien Brody.
Depuis 1999, les amateurs de fantastique attendent chaque nouvelle livraison de Manoj Night Shyamalan. Ainsi 6ème sens (à ne pas confondre avec Le 6ème sens de Michael Mann, première adaptation de Dragon rouge) et ses revenants puis Incassable et son analyse du super-héros, ont permis à Bruce Willis d'offrir deux de ses plus belles prestations. Par contre, Signes et son invasion extra-terrestre s’affichent comme un demi-échec.
La force de ce réalisateur est donc de pouvoir recycler avec un rare talent des thèmes qui ont fait les beaux jours de la série B fantastique. Cette fois, le cinéaste s’amuse à réactualiser les contes d’autrefois en ravivant les terreurs ancestrales, celles qui surgissent d’une forêt en pleine nuit ou sous la forme d’un monstre tapi dans l’ombre scrutant le moindre mouvement. A ce titre, les écrits du romancier HP Lovecraft ne semblent jamais loin et rappellent à quel point, la peur peut facilement s’immiscer par le biais d’une vieille légende.
A la manière des Amish (une communauté évoquée dans le film Witness), les habitants du village de Covington ont choisi de vivre à l’écart du monde. Prohibant la couleur rouge (signe d’agressivité à leurs yeux), les Anciens ont conclu une sorte de pacte (avec le diable ?) qui leur dicte de ne pas franchir les limites du village.
D’une étonnante dextérité, la mise en scène choisit d’appliquer les règles du petit budget, primant la suggestion tout en teintant l’intrigue d’une aura surnaturelle. Le récit prend soin de façonner une ambiance tendue voire pesante non pas seulement par la présence latente de la créature mais aussi par la découverte d’une mystérieuse boîte noire. Les Anciens (extraordinaires William Hurt, Sigourney Weaver et Brendan Gleeson) se présentent comme des individus ambigus qui prétendent que la dite boîte est maudite. Au-delà de cet étrange accord conclu, les villageois ne sont-ils pas prisonniers de leurs angoisses ? Ainsi on évolue dans ce microcosme campagnard sans aucun point de vue extérieur.
La relation sentimentale entre le sage Lucius Hunt (Joaquin Phoenix d’une sobriété exemplaire) et la fougueuse aveugle Ivy Walker (Bryce Dallas Howard, la révélation du film) constituera le premier pas vers la vérité. De cette romance découlera un nouvel enjeu qui amènera à l’heure tant attendue de la traversée des bois. Dans cette ultime épreuve se profile une relecture du célèbre petit chaperon rouge de Charles Perrault. Traverser la forêt, c’est affronter ses propres démons.
Autre qualité, le film prend le contre-pied du blockbuster : pas de recours aux effets faciles (mouvements brusques de caméra ou montage cut), aux artifices gores ou aux bruitages assourdissants. On évite l’aspect ridiculement numérique de la bête du Gévaudan (cf. Le pacte des loups), les courtes interventions de la créature à l’allure pourtant "kitsch" étant suffisamment effrayantes.
Si l’histoire fonctionne si bien, c’est parce que le réalisateur imprime sa marque de fabrique (une apparition clin d’œil récurrente comme chez Hitchcock) en soignant ses cadres, en ménageant les moments de tension et en laissant le mystère s’épaissir dans l’esprit du spectateur. De là à discerner une métaphore sur la dérive sécuritaire, on y verrait plutôt une réflexion subtile sur le modernisme.