A.I.
- INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (2001) de
Steven Spielberg avec Haley Joel Osment, Jude Law, Frances
O’Connor. |
Au
XXIème siècle, l’effet de serre a fait
fondre les glaciers submergeant les grandes villes. En raison
de la surpopulation, les naissances sont maintenant contrôlées.
Le professeur Hobby décide de créer un robot
doué de sensibilité. La famille Swinton, dont
l’unique fils Martin a été placé en
hibernation dans l’attente d’un remède
contre sa maladie, accepte d’accueillir un jeune androïde
du nom de David. Henry et Monica Swinton parviennent à intégrer
David mais au retour de Martin, les choses se compliquent
et après quelques incidents, les parents sont forcés
d’abandonner leur "fils adoptif". Sur son
chemin, David accompagné de Teddy, l’ourson
mécanique, rencontrera le fantaisiste Gigolo Joe et
partira en quête de réponses sur l’humanité. |
Le
projet "A.I." |
Publiée
en 1969 dans un numéro spécial du Harper’s
Bazaar, cette nouvelle écrite par Brian Aldiss baptisée
Supertoys last all summer long (Des jouets pour l’été)
se révèlera être la base scénaristique
pour la première partie du film située chez
les Swinton. |
A
la fin des années 70, alors qu’il réalise
Shining, Stanley Kubrick rencontre pour la première
fois, Steven Spielberg qui tourne les séquences en
Angleterre des Aventuriers de l’arche perdue. L’auteur
de 2001 acquière les droits de la nouvelle en 1982
et se met à travailler sur l’adaptation en rédigeant
quelques notes et croquis. Les deux cinéastes converseront
par téléphone sur le projet A.I. à plusieurs
occasions. Kubrick fait part de son intention d’attendre
que les effets numériques aient atteint un haut degré de
technologie pour concrétiser son projet. Dès
1984, le dessinateur Chris Baker est engagé pour créer
les scènes sous forme de story-boards qui définiront
par la suite, les orientations artistiques du long métrage.
En visionnant les effets spéciaux de Jurassic Park
(1993), Kubrick réalise que A.I est enfin réalisable
et en propose la mise en scène à Spielberg
estimant que "sa sensibilité de cinéaste
est plus proche de l’esprit du film". Kubrick
meurt le 7 mars 1999 après le tournage de Eyes Wide
Shut laissant ses notes dans un tiroir. Sa femme, Christiane
approche la Warner Bros qui s’associera avec Stanley
Kubrick Productions et Dreamworks pour allouer un budget
approchant les 100 millions de dollars. Elle confiera le
soin à Steven Spielberg qui écrira le scénario,
de mener à terme le projet initié il y a vingt
ans. |
Les
jeunes androïdes rêvent-ils d’une maman
organique ? |
Steven
Spielberg et de Stanley Kubrick, voilà une collaboration
qui augurait du meilleur. Une œuvre qui à priori
promettait d’être anthologique dans le registre
de la science-fiction. Pourtant après la vision de
celle-ci, on ressent comme une déception comme si
Spielberg était passé à côté d’un
concept primordial. Car son film censé nous instruire
sur l’intelligence artificielle, se présente
comme un spectaculaire conte de fées futuriste où l’on
a droit à une relecture de Pinocchio (thème
assez répété au cas où le spectateur
n’aurait pas compris le lien !). L’histoire donc
de David (l’étonnant Haley Joel Osment, la révélation
de 6ème sens), un androïde aspirant à devenir
plus humain en partant sur les traces de la fée bleue.
Un univers esthétiquement riche, parfois émouvant
mais au demeurant léger dans son propos, à la
limite d’une certaine naïveté. |
Le
prologue amorce correctement le sujet par un discours prononcé par
le professeur Hobby (excellent William Hurt) sur l’utilité des
robots. Dans la première partie située chez
les Swinton, on pourrait affirmer qu’elle s’inspire
de l’univers de Kubrick tellement l’environnement
manque de chaleur à l’instar d’un David à la
face angélique et dont la froideur cybernétique
et le sourire programmé effraye sa mère "adoptive".
L’angoisse des parents est perceptible dans leur regard
et leur comportement. On retrouve aussi la rivalité entre
enfants et leur intolérance envers un être différent. |
David
le "méca" est ensuite abandonné (sans
doute, la scène la plus poignante du film) dans la
forêt tel le petit poucet accompagné d’un
sympathique et fidèle jouet mécanique (un ours
en peluche animé par Stan Winston qui a déjà œuvré sur
le cyborg de Terminator). Dans ce monde cruel, les robots
sont domestiqués par la race humaine : ils sont chassés
pour servir d’objets de foire devant une foule en délire
puis déchargés dans un cimetière comme
de la vulgaire ferraille. Suite à l’épisode
dans l’arène, David se lie avec Gigolo Joe (l’éclectique
Jude Law, malheureusement très peu présent à l’écran),
un robot prostitué au service des femmes. |
A
partir de ce moment-là, le pessimisme s’estompe
et on plonge progressivement dans un monde quasi féerique
: un petit tour par la chatoyante Rouge City (avec son dôme
rappelant le décor d’Orange mécanique)
et un vol en hélico entre les ruines d’un Manhattan
englouti par les eaux (recrées en numérique
par Dennis Muren, l’un des artisans d’ILM). Et
enfin vient la scène clé tant attendue : la
rencontre avec le créateur (Blade Runner) qui se solde
par deux ou trois dialogues sans intérêt et
une révélation. Encore une faiblesse du scénario
: avoir minimiser le rôle de William Hurt en le rendant
presque inaccessible. C’est pourtant lui le Victor
Frankenstein (dans le bon sens, bien sûr) de l’histoire
! |
Spielberg
aurait pu s’arrêter au moment où David
se retrouve face à face avec la statue de la fée
bleue. Au lieu de cela, il nous projette 2000 ans en avant
où des extra-terrestres télépathes (Rencontres
du 3ème type, E.T.) ont élu domicile sur terre.
Ce qui peut agacer chez Spielberg, c’est cette volonté de
vouloir finir à tout prix sur une note positive en
tirant de préférence sur la corde sensible
(appuyée par la musique mélancolique de John
Williams) au risque de sombrer dans la mièvrerie. |
A.I.
peut se concevoir comme un hommage à Stanley Kubrick pas
comme le prolongement de son œuvre. Les références à la
filmographie de Spielberg pullulent un peu trop dans certains
plans. De même que deux thèmes récurrents
de ses œuvres dominent le film : l’enfance et l’oppression,
on est en terrain connu. Autre problème, l’intelligence
artificielle ne se limite qu’à la vision de David.
Si l’enfant-robot est programmé pour aimer, en revanche,
il n’est pas programmé pour évoluer (ironiquement,
le T-800 de Terminator 2, une machine de guerre "s’humanisait" au
contact des autres). De ce fait, la portée du message
philosophique s’en trouve considérablement amoindri.
En ce qui concerne la réflexion métaphysique, on
se tournera davantage vers le chef d’œuvre de Ridley
Scott qui lui possède ce petit supplément d’âme. |
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