ALEXANDRE (2004)
d'Oliver Stone avec Colin Farrell, Angelina Jolie, Jared
Leto, Val Kilmer, Anthony Hopkins. |
Illusions
et désillusions. |
L’épopée
d’Alexandre III a inspiré au réalisateur
Robert Rossen, son Alexandre le Grand (1956) qui était
incarné par Richard Burton. Après avoir étudié les
cas de Jim Morrison (Les Doors, 1991) et Richard Nixon
(1995), Oliver Stone s’est à son tour intéressé à la
personnalité du roi macédonien qui fait
toujours l’objet d’un autre projet chez Baz
Luhrmann avec Leonardo DiCaprio dans le rôle-titre
et Nicole Kidman. |
L’auteur
débute en adoptant le point de vue pédagogique
de Ptolémée (joué par Anthony Hopkins),
un ancien compagnon d’arme d’Alexandre. Narrateur
de circonstance, le vieil homme se lance dans une hagiographie
relatant le parcours de la Macédoine à l’Inde
du plus grand des conquérants qui rêvait
d’unifier l’Orient et l’Occident en
prônant l’entente entre les peuples. Sa campagne
dura près de huit années. |
Ensuite
le cinéaste dépeint un héros à la
psychologie de plus en plus complexe à mesure
qu’il grandit. D’abord élève
du philosophe Aristote (le grand Christopher Plummer
se contentant d’une courte figuration) apprivoisant
l’indomptable Bucéphale, il devient un honorable
guerrier meneur d’hommes puis un despote voulant
toujours reculer davantage les frontières. Orgueilleux,
exigeant, visionnaire, ambitieux et fin stratège,
Alexandre se révèle un être rempli
de tourments et de contradictions que l’œuvre
analyse méticuleusement. A ce titre, son ascension
peut être mis en parallèle avec la destinée
de Lawrence d’Arabie (David Lean, 1962) avec un
Peter O’Toole toujours plus assoiffé de
pouvoir. Comme pour ne pas déroger à la
règle de ses thématiques, Stone ne manque
d’y inclure une méditation sur la grandeur
et la décadence. L’autre aspect non négligeable
d’Alexandre est de dévoiler son homosexualité puis
sa bisexualité à travers des mœurs
dignes des empereurs romains. |
Bien
sûr, le scénario se nourrit de l’influence
des mythes de la Grèce Antique : ainsi Œdipe,
Héraclès, Prométhée et Achille
sont constamment évoqués. Les thèmes
récurrents comme la filiation, la trahison ou
la folie développés dans cette fresque
en font une véritable tragédie grecque
aux accents shakespeariens. La scène du banquet
où Philippe bannit son fils s’avère
l’une des plus théâtrales et des plus
poignantes. |
L’histoire
n’oublie pas pour autant les conflits : on ne peut
que louer la mise en scène pour la bataille de Gaugamèle
- et ses splendides plans aériens - contre Darius
et l’armée perse ou pour le combat avec les éléphants
au cœur de la jungle indienne car c’est dans
ces moments que Stone glorifie la dimension mythique du
personnage. Difficile de se montrer plus original dans
les séquences guerrières car Mel Gibson a établi
quelques règles avec son fabuleux Braveheart (1995).
On notera également l’esthétisme soigné et
une reconstitution exemplaire dans les costumes et les
décors notamment lors de l’entrée dans
la cité de Babylone. |
L’interprétation
se situe elle aussi à la hauteur de la légende
: Colin Farrell s’investit corps et âme en
restituant à la perfection toute l’ambiguïté d’un
héros déchiré entre ses deux parents.
Angelina Jolie écarte ses tics LaraCroftiens afin
de symboliser le charme perfide d’Olympias (quoiqu’elle
ne prenne pas une ride en deux décennies, peu crédible
de ce côté) face à Val Kilmer entré dans
la peau du rustre et mégalo Philippe II. Quant à Jared
Leto, il livre une composition plutôt intéressante
d’Héphaïstion, le fidèle ami d’enfance
d’Alexandre. |
Même
si la démarche d’Oliver Stone demeure louable
et si Alexandre possède bon nombre de qualités,
l’essentiel de ses maladresses réside dans
la structure narrative. Car il faut bien reconnaître
que le long métrage manque parfois de souffle. En
outre, le récit subit des cassures de rythme dues à l’intervention
d’ellipses historiques par le biais de voix-off,
de flashback ou de passages explicatifs (Ptolémée
dans son palais d’Alexandrie). Ainsi, les anecdotes
concernant le nœud gordien ou la rencontre avec Diogène
et les évènements comme la conquête
symbolique d’Alexandrie en Egypte ou la destruction
de Persépolis sont totalement éclipsés
ou survolés. Mais le plus décevant apparaît
dans le choix de la bande son. Signée Vangelis (Blade
Runner, 1492 : Christophe Colomb), la musique se veut pompeuse à tel
point que le compositeur s’auto-plagie ou lorgne
du côté des partitions de Hans Zimmer pour
les scènes de combat. |
En
somme, Alexandre se veut plus un péplum intimiste que
véritablement épique en se démarquant
volontairement des critères spectaculaires inhérents
au genre et très bien intégrés dans des
productions comme Gladiator ou Troie. Un film qui s’attarde
donc plus sur le potentiel du personnage que sur son vaste
empire. Il est vrai qu’en termes historique et épique,
on reste sur sa faim. |