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AVENTURES
ALEXANDRE (2004) d'Oliver Stone avec Colin Farrell, Angelina Jolie, Jared Leto, Val Kilmer, Anthony Hopkins.
Illusions et désillusions.
L’épopée d’Alexandre III a inspiré au réalisateur Robert Rossen, son Alexandre le Grand (1956) qui était incarné par Richard Burton. Après avoir étudié les cas de Jim Morrison (Les Doors, 1991) et Richard Nixon (1995), Oliver Stone s’est à son tour intéressé à la personnalité du roi macédonien qui fait toujours l’objet d’un autre projet chez Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio dans le rôle-titre et Nicole Kidman.
L’auteur débute en adoptant le point de vue pédagogique de Ptolémée (joué par Anthony Hopkins), un ancien compagnon d’arme d’Alexandre. Narrateur de circonstance, le vieil homme se lance dans une hagiographie relatant le parcours de la Macédoine à l’Inde du plus grand des conquérants qui rêvait d’unifier l’Orient et l’Occident en prônant l’entente entre les peuples. Sa campagne dura près de huit années.
Ensuite le cinéaste dépeint un héros à la psychologie de plus en plus complexe à mesure qu’il grandit. D’abord élève du philosophe Aristote (le grand Christopher Plummer se contentant d’une courte figuration) apprivoisant l’indomptable Bucéphale, il devient un honorable guerrier meneur d’hommes puis un despote voulant toujours reculer davantage les frontières. Orgueilleux, exigeant, visionnaire, ambitieux et fin stratège, Alexandre se révèle un être rempli de tourments et de contradictions que l’œuvre analyse méticuleusement. A ce titre, son ascension peut être mis en parallèle avec la destinée de Lawrence d’Arabie (David Lean, 1962) avec un Peter O’Toole toujours plus assoiffé de pouvoir. Comme pour ne pas déroger à la règle de ses thématiques, Stone ne manque d’y inclure une méditation sur la grandeur et la décadence. L’autre aspect non négligeable d’Alexandre est de dévoiler son homosexualité puis sa bisexualité à travers des mœurs dignes des empereurs romains.
Bien sûr, le scénario se nourrit de l’influence des mythes de la Grèce Antique : ainsi Œdipe, Héraclès, Prométhée et Achille sont constamment évoqués. Les thèmes récurrents comme la filiation, la trahison ou la folie développés dans cette fresque en font une véritable tragédie grecque aux accents shakespeariens. La scène du banquet où Philippe bannit son fils s’avère l’une des plus théâtrales et des plus poignantes.
L’histoire n’oublie pas pour autant les conflits : on ne peut que louer la mise en scène pour la bataille de Gaugamèle - et ses splendides plans aériens - contre Darius et l’armée perse ou pour le combat avec les éléphants au cœur de la jungle indienne car c’est dans ces moments que Stone glorifie la dimension mythique du personnage. Difficile de se montrer plus original dans les séquences guerrières car Mel Gibson a établi quelques règles avec son fabuleux Braveheart (1995). On notera également l’esthétisme soigné et une reconstitution exemplaire dans les costumes et les décors notamment lors de l’entrée dans la cité de Babylone.
L’interprétation se situe elle aussi à la hauteur de la légende : Colin Farrell s’investit corps et âme en restituant à la perfection toute l’ambiguïté d’un héros déchiré entre ses deux parents. Angelina Jolie écarte ses tics LaraCroftiens afin de symboliser le charme perfide d’Olympias (quoiqu’elle ne prenne pas une ride en deux décennies, peu crédible de ce côté) face à Val Kilmer entré dans la peau du rustre et mégalo Philippe II. Quant à Jared Leto, il livre une composition plutôt intéressante d’Héphaïstion, le fidèle ami d’enfance d’Alexandre.
Même si la démarche d’Oliver Stone demeure louable et si Alexandre possède bon nombre de qualités, l’essentiel de ses maladresses réside dans la structure narrative. Car il faut bien reconnaître que le long métrage manque parfois de souffle. En outre, le récit subit des cassures de rythme dues à l’intervention d’ellipses historiques par le biais de voix-off, de flashback ou de passages explicatifs (Ptolémée dans son palais d’Alexandrie). Ainsi, les anecdotes concernant le nœud gordien ou la rencontre avec Diogène et les évènements comme la conquête symbolique d’Alexandrie en Egypte ou la destruction de Persépolis sont totalement éclipsés ou survolés. Mais le plus décevant apparaît dans le choix de la bande son. Signée Vangelis (Blade Runner, 1492 : Christophe Colomb), la musique se veut pompeuse à tel point que le compositeur s’auto-plagie ou lorgne du côté des partitions de Hans Zimmer pour les scènes de combat.
En somme, Alexandre se veut plus un péplum intimiste que véritablement épique en se démarquant volontairement des critères spectaculaires inhérents au genre et très bien intégrés dans des productions comme Gladiator ou Troie. Un film qui s’attarde donc plus sur le potentiel du personnage que sur son vaste empire. Il est vrai qu’en termes historique et épique, on reste sur sa faim.
BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS (2004) de Jon Turtletaub avec Nicolas Cage, Diane Kruger, Sean Bean.
Etude d’un plagiat.
En 1981, l’aventure avait un nom : Indiana Jones. 2004 : l’aventure a un nouveau visage, celui de Nicolas Cage et il s’avère que le plagiat commence dès la lecture du slogan car la suite ne démontrera pas le contraire. Déjà rien que le titre français annonce une franchise.
L’histoire commence par la jeunesse de Benjamin Gates où celui-ci apprend par son grand-père (Christopher Plummer), l’existence d’un fabuleux trésor caché par les Templiers. Une première référence à un célèbre jeu vidéo adapté en film (l’œil qui voit tout) vient se glisser, suivie de l’entrée en scène de Jon Voight (tiens donc), le père du gamin. Le film s’enchaîne sur la spectaculaire scène d’ouverture dans la glace avec effet pyrotechnique à la clé. On est quand même dans une production Bruckheimer.
L’intrigue continue avec la séquence Mission Impossible et le vol de la déclaration d’indépendance où Ben Gates se prend pour Ethan Hunt (version De Palma). Le chemin du héros est bientôt semé d’indices et d’énigmes tortueuses à souhait mais résolues à une vitesse foudroyante. Incarné par un Nicolas Cage plutôt à l’aise dans le rôle, notre petit génie n’est heureusement pas tout seul et il est flanqué d’un bidouilleur informaticien, vrai réservoir à vannes assez irritant ainsi que d’un faire-valoir féminin de circonstance (la séduisante Diane Kruger). Mais il y aussi la concurrence en la personne de Sean Bean qui semble condamné à jouer les traîtres depuis un bon bout de temps. A noter également, l’apparition inattendue de Harvey Keitel, toujours impeccable. Cette quête ne présente pas vraiment d’intérêt puisque le sort de l’humanité n’est pas en jeu, elle est juste le prétexte d’une chasse au trésor. D’ailleurs, le scénario n’est jamais loin de celui d’un banal jeu vidéo.
Bref, les emprunts ne manquent pas notamment à la trilogie Indiana Jones (la relation père-fils ou la rivalité entre l’archéologue et son homologue) et on pense aussi à un ersatz de Bob Morane, le héros créé par Henri Vernes. Ce n’est donc certainement pas l’originalité qui va étouffer ce long métrage s’apparentant à une sorte de fourre-tout revisitant les figures emblématiques de l’aventure. Les amateurs chercheront plus du côté du divertissement au rythme soutenu et respectant le cahier des charges à la lettre. On aspire évidemment à retrouver le célèbre aventurier au fouet pour un hypothétique quatrième volet. Quant à Nicolas Cage, après que les projets de Superman et Iron Man lui soient passés sous le nez, il s’apprête à enfourcher la moto du Ghost Rider.
LE DERNIER SAMOURAI (2003) d'Edward Zwick avec Tom Cruise, Ken Watanabe, Tony Goldwyn.
Il semble y avoir deux Tom Cruise dans le paysage hollywoodien : le premier, l’acteur qui s’est brillamment illustré dans Rain Man, La firme, Jerry Maguirre ou encore Magnolia et l’autre, le producteur mégalomane et narcissique qui s’est dévoilé avec Mission : Impossible 2. Et il apparaît bien que le deuxième l’emporte une nouvelle fois sur le premier. Edward Zwick, cinéaste ayant habituellement un regard plus critique dans ses films (Glory, Couvre-feu), signe donc un long métrage épique mais formaté aux exigences de son acteur-producteur.
Le postulat de départ présente une armée américaine venue "civiliser" le peuple japonais en lui fournissant des armes à feu. Puis l’histoire dérive vers un scénario qui évoque la saga TV Shogun avec Richard Chamberlain mais aussi le fantastique Danse avec les loups : un occidental déçu par ses pairs est plongé dans une communauté étrangère qui va l’aider à retrouver sa dignité. Mais la comparaison s’arrête là et on aurait aimé plus de finesse de la part des scénaristes car les protagonistes japonais dépassent en de rares occasions le stade du stéréotype. La prestation sans failles de Ken Watanabe qui incarne Katsumoto avec la prestance d’un Toshiro Mifune, vient heureusement rehausser le niveau. A signaler également, la présence de Hiroyuki Sanada, l’un des héros de la série San Ku Kaï et qui campe ici le bras droit de Katsumoto.
Quant au charismatique Tom Cruise, s’il prend un démarrage intéressant en officier alcoolique et suicidaire, le naturel revient vite au galop et il ne cessera par la suite de flatter son ego dans une série de scènes qui participeront au manque de crédibilité de son personnage : lorsqu’il se bat avec des ninjas ou des assassins rompus aux techniques du sabre (filmée deux fois dont une au ralenti) et enfin dans la bataille finale où son invincibilité est mise à l’épreuve des balles et tout cela, sans une seule égratignure ou presque.
Côté mise en scène, le réalisateur a soigné la reconstitution, les décors et la photographie y contribuant grandement (le plan où les cavaliers surgissent de la brume est sublime). Mais ce n’est pas en rendant un pseudo-hommage aux œuvres lyriques d’Akira Kurosawa que la sauce va prendre. Certes, on discourt beaucoup d’honneur, de loyauté et d’héroïsme mais le ressort dramatique n’accroche pas. On en rajoute même une louche dans l’épilogue qui redore le blason yankee puis sombre dans une complaisance hollywoodienne à la limite de la mièvrerie.
Dommage que le fond ne soit pas aussi surprenant que la forme car au final, Le dernier samouraï ne se révèle rien de plus qu’un film d’aventures émaillé de morceaux de bravoure, divertissant à défaut d’être passionnant.
GLADIATOR (2000) de Ridley Scott avec Russell Crowe, Joaquin Phoenix, Connie Nielsen, Djimon Hounsou.
Au cours d’une campagne, le général Maximus, commandant des légions romaines, remporte la victoire contre les hordes germaniques. L’empereur Marc-Aurèle lui demande d’être son successeur mais Commode, le fils du souverain ne l’entend pas de cette oreille et assassine son père, prenant le pouvoir par la traîtrise. Maximus est condamné à mort mais échappe à ses bourreaux pour découvrir que sa famille a été exécutée. De Zucchabar à Rome, il devient un esclave puis le gladiateur surnommé "l’espagnol", adoré par la foule. Maximus n’aspire alors qu’à venger la mort de sa femme et de son fils tandis que Commode devient un tyran pour Rome.
Depuis plus de 30 ans, le péplum a déserté le grand écran. Et ce ne sont pas les productions italiennes comme les Maciste et autre Hercule qui ont redoré son blason. Seul Ridley Scott avec son sens de l’épique pouvait insuffler du sang neuf à un genre tombé en désuétude. C’est dans ce but que Dreamworks lui attribua un budget de 100 millions de dollars. Le tournage se déroula en Angleterre, au Maroc et sur l’Ile de Malte où une forteresse servit en partie pour recréer les différents plans du Colisée de la Rome antique (notamment grâce aux prodiges de l’infographie qui confèrent l’illusion parfaite des arènes romaines et de sa foule à demi virtuelle).
Gladiator sur le plan scénaristique ne renouvelle pas le genre et emprunte même les personnages principaux de La chute de l’Empire romain (hormis celui de Maximus) pour les replacer dans une autre histoire aux accents shakespeariens (on y retrouve les thèmes de la trahison et de la vengeance). L’œuvre se pose tout de même en digne héritière de grandes fresques comme Spartacus ou Ben-Hur. Russell Crowe y impose sa stature dans un jeu sobre mais néanmoins très physique face à un Joaquin Phoenix incarnant subtilement un Commode torturé avec une réelle profondeur psychologique. On n’omettra pas de mentionner également les interprétations du regretté Richard Harris (Un homme nommé cheval), Djimoun Hounsou (Amistad) et surtout la prestance d’Oliver Reed (Proximo, le chef des gladiateurs) qui est décédé sur le tournage d’une crise cardiaque à l’âge de 61 ans.
Quant aux séquences guerrières que ce soit la scène d’ouverture (évoquant les combats du Braveheart de Mel Gibson) où la reconstitution est fidèle aux jeux du cirque, elles sont tout simplement époustouflantes même si elles paraissent parfois sauvages, elles ne sont là que pour refléter l’homme et sa bestialité. Ce grand spectacle ressuscite l’antiquité où aventure rime avec émotion, illustré par la sublime musique composée par Hans Zimmer et la mélancolie de Lisa Gerrard qui résonne comme une ode à la liberté.
Nota Bene : En 2001, Gladiator a été couronné de cinq Oscars (film, acteur, effets visuels, costumes et son).
KINGDOM OF HEAVEN (2005) de Ridley Scott avec Orlando Bloom, Liam Neeson, Jeremy Irons, Eva Green, Brendan Gleeson.
"L’homme n’est qu’homme que s’il améliore le monde."
Longtemps, Paul Verhoeven imagina Les croisades comme une grosse production avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal. De son côté, Ridley Scott déjà auteur des épiques 1492 et Gladiator, laissa tomber le projet Tripoli pour s’intéresser à cette période sombre de l’histoire médiévale.
France, fin du XIIème siècle. Balian est un jeune forgeron qui vient de perdre sa femme et son fils lorsque débarque le baron Godefroy d’Ibelin. Celui-ci lui annonce qu’il est son père et lui propose de l’accompagner à Jérusalem. D’abord hésitant, Balian le suivra mais son père mourra dans une embuscade en lui léguant ses titres et ses terres. Le jeune chevalier deviendra l’un des serviteurs du roi Baudouin IV en faisant face à Saladin.
Depuis Les duellistes, Ridley Scott est reconnu pour mettre ses talents d’esthète et de cinéaste au service du scénario. Kingdom of Heaven (signifiant le royaume des cieux et qui bizarrement n’a pas eu les honneurs d’un titre français !) se présente comme un film d’aventures historique où le héros dont les convictions religieuses ont été mises à mal par l’hypocrisie, se retrouve en plein conflit pour la possession de la Terre Sainte. En cela, le contexte du long métrage trouve un écho particulier dans la situation actuelle au Proche-Orient.
Le récit dépeint le chemin de croix d’un homme parti pour trouver Dieu. Dieu où il est question avec ses fanatiques prêchant sa bonne parole dans le chaos et le bain de sang. Et une foi avec une tendance orgueilleuse qui mène à l’absurdité des guerres. Les seigneurs templiers entretenant un climat de suspicion qui annonce une inévitable boucherie. Point de manichéisme outrancier dans les deux camps : les bons et les méchants sont présents des deux côtés.
On aurait pu croire que cette épopée à grand spectacle (et non péplum comme certains le qualifieraient) ferait la part belle aux batailles homériques mais le scénario minimalise l’aspect guerrier afin de laisser respirer les personnages dans des passages plus intimistes. Toutefois, Ridley Scott s’intéresse à la stratégie des combats notamment dans le point d’orgue constitué par l’assaut des troupes sarrasines sur les remparts de Jérusalem. La photographie et la reconstitution des décors et costumes ne font qu’ajouter des qualités à cette œuvre.
Quelques craintes pouvaient être exprimées quant à l’incarnation du chevalier sans peur et sans reproches : Orlando Bloom qui s’était montré quasi-transparent dans des productions comme la trilogie du Seigneur des anneaux, Pirates des Caraïbes ou Troie. Heureusement, l’acteur s’en tire à bon compte avec un peu plus de charisme et d’ambiguïté que d’habitude. Liam Neeson, Jeremy Irons, Brendan Gleeson (déjà guerrier dans Braveheart et Troie) et Ghassan Massoud qui interprète Saladin, sont remarquables de prestance. Même Edward Norton masqué campe un honorable et émouvant roi Baudouin IV (appelé le lépreux).
Malgré quelques invraisemblances sur le parcours du héros (on pense au naufrage ou à son inexpérience au combat) et un discours parfois trop consensuel (le pacifisme n’étant pas vraiment de rigueur à cette époque), Kingdom se veut un beau voyage vers le royaume de la spiritualité et une fresque humaniste bénéficiant du savoir-faire indéniable de son réalisateur.
MASTER AND COMMANDER (2003) de Peter Weir avec Russell Crowe, Paul Bettany.
Le prédateur des mers.
La fresque maritime tout comme le péplum, a connu son heure de gloire avec Errol Flynn (L’aigle des mers) ou les diverses versions des révoltés du Bounty mais depuis les pirates de Roman Polanski, le genre semble s’être échoué sur les rivages de l’oubli.
Au regard de son œuvre, on peut affirmer sans détour que l’australien Peter Weir est un cinéaste éclectique (de Mosquito Coast à Truman Show en passant par Witness et Le cercle des poètes disparus). Pour Master & Commander, il s’est inspiré de l’une des aventures littéraires (en fait, la dixième intitulée De l’autre côté du monde) de Jack Aubrey, héros crée par le romancier Patrick O’Brian qui a étalé son épopée sur vingt ouvrages se situant dans le contexte des guerres napoléoniennes.
L’histoire se place en 1805 alors que le vaisseau de guerre Surprise est attaqué par la frégate française Achéron. Le capitaine Jack Aubrey, navigateur au long cours de la Marine Royale Britannique, décide de le pourchasser malgré les pertes humaines et les dommages matériels subis. Sa quête devient rapidement obsessionnelle, tel un capitaine Achab poursuivant sans relâche la célèbre baleine blanche.
Dès la séquence d’ouverture, le spectateur est plongé dans le feu de l’action grâce à une scène de bataille navale. Sur fond de guerre entre la flotte anglaise et française, Peter Weir choisit pourtant de privilégier le côté humain en confinant l’intrigue au sein du galion que l’on ne quittera plus du Brésil aux îles Galápagos durant plus de deux heures. A bord, la caméra évolue parmi des matelots rongés par le doute et les superstitions tandis que de jeunes officiers aspirants sont en proie aux responsabilités et au poids du commandement. Le récit dépeint également les relations houleuses entre Jack "La chance" Aubrey et le docteur Stephen Maturin, éminent chirurgien et naturaliste incarné avec justesse par Paul Bettany, déjà partenaire de Russell Crowe dans Un homme d’exception. Leurs personnalités contrastées mettant leur amitié à rude épreuve dans un rapport de forces théâtral. Pour sa part, Russell Crowe retrouve un rôle de meneur d’hommes proche de celui de Gladiator : courageux, tenace et possédant un sens inné de la stratégie militaire.
Le film est aussi parfait sur le plan technique : le souci d’authenticité et de vérité historique sont tout simplement époustouflants et même les quelques effets spéciaux numériques sont quasiment invisibles à l’écran. Il suffit d’admirer la tempête dans les eaux tumultueuses du Cap Horn pour s’en convaincre et surtout l’ultime assaut qui restera dans les annales comme une des plus mémorables scènes d’abordage.
Ainsi le cinéma à grand spectacle est de retour, celui de l’âge d’or des classiques hollywoodiens traversés par un souffle épique dont Master & Commander se veut certainement l’un des plus brillants hommages.
LA MOMIE 3 : LA TOMBE DE L'EMPEREUR DRAGON (2008) de Rob Cohen avec Brendan Fraser.
Dans le domaine de l’aventure, l’archéologue au chapeau et au fouet n’a pas à se soucier de la concurrence. Et ce n’est pas le nanardesque Benjamin Gates avec sa panoplie de boy-scout qui risque de le détrôner. Réalisé par Stephen Sommers en 1999, La Momie demeure un sympathique hommage aux productions Universal (à mi-chemin entre le classique éponyme avec Boris Karloff et les serials d’antan) qui était sauvé en partie grâce à un second degré assumé. Son retour en 2001 fut plus catastrophique, pillant sans vergogne les mémorables séquences de L’Arche perdue.
Pour cette troisième escapade, Rick et Evelyn O’Connell quittent le désert égyptien pour aller prêter main forte à leur fils Alex qui vient d’exhumer la tombe d’un tyrannique empereur chinois. Libéré accidentellement, ce dernier entreprend de réveiller son armée afin de conquérir le monde.
Le récit débute par l’habituelle introduction sur le grand méchant puis les morceaux de bravoure s’enchaînent (parfois trop rapidement) dont une poursuite dans les rues de Shanghaï qui ressemble à celle du Temple Maudit. Mais Rob Cohen (dont le meilleur souvenir est la biographie sur Bruce Lee) n’est pas Steven Spielberg et affiche manifestement plus d’entrain à démontrer ses talents dans les scènes d’action, négligeant la partie narrative. Justement, le scénario qui suit une trame classique et convenue, alignant les situations rocambolesques sans transition et des répliques humoristiques qui font rarement mouche.
En outre, les acteurs n’aident pas à redresser la barre. Si Brendan Fraser et Luke Ford parviennent à conserver un petit capital sympathie notamment par cette opposition père-fils (qui a dit Indiana Jones ?), les cabotinages excessifs de Maria Bello (remplaçante de Rachel Weisz) et John Hannah finissent par agacer. Du côté de la distribution asiatique, Jet Li (20 minutes en tout à l’écran hors doublure numérique) et Michelle Yeoh assurent le temps de quelques acrobaties, histoire d’apporter le quota nécessaire de savates. Le spectateur se rabattra éventuellement sur les effets spéciaux plus ou moins réussis dévoilant des créatures mythiques comme les Yétis plus vraiment abominables, le dragon à trois têtes ou l’armée de zombies (clin d’œil au génial Ray Harryhausen ?) lors de la bataille finale. Toutefois, ce brassage de références laisse perplexe quant à la cohérence artistique de l'ensemble.
Il devient donc difficile de trouver un quelconque argument qui plaide en faveur de ce troisième opus dont l’existence reste encore un mystère. Le spectateur pas trop exigeant pourra l’apprécier en tant que divertissement standard dont les points forts sont constitués par son rythme haletant et sa vocation de distraire à tout prix. On se dit néanmoins que les momies devraient reposer en paix tout comme les scripts inutiles dans les fonds de tiroir.
PIRATES DES CARAIBES : LE SECRET DU COFFRE MAUDIT (2006) de Gore Verbinski avec Johnny Depp, Orlando Bloom, Keira Knightley.
Le domaine de la flibuste n’avait pas été exploré par le cinéma hollywoodien depuis des lustres. Le cinéphile se souvient des classiques comme Le pirate noir (1926) avec Douglas Fairbanks, Capitaine Blood (1935) ou L’aigle des mers (1940) avec Errol Flynn, Le corsaire rouge (1952) avec Burt Lancaster et moins d’œuvres plus récentes tels que Pirates (1986) de Roman Polanski ou L’île aux pirates (1995) avec Geena Davis. Issu d’une attraction du parc à thèmes Disney, La malédiction du Black Pearl (2003) était parvenu à dépoussiérer le genre en proposant un brassage d’action, d’aventure, d’humour, de romantisme avec une pointe de fantastique. Cette fois, notre brigand des mers, Jack Sparrow est aux prises avec le spectre de Davy Jones qui vient réclamer sa dette. Bien malgré eux, Will Turner et Elizabeth Swann vont être entrainés dans la quête du capitaine Sparrow.
Pour cette suite, le producteur Jerry Bruckheimer a déployé l’artillerie lourde. En effet, le spectacle est garanti de façon permanente : de l’île des cannibales jusqu’à l’affrontement titanesque avec le légendaire Kraken en passant par la poursuite avec le Hollandais volant, le navire de Davy Jones, l’homme-poulpe, le film offre un véritable festival où se succèdent les morceaux de bravoure. L’esprit renoue d’ailleurs avec le souffle épique des productions d’antan. Le rythme y est tellement haletant qu’il ne ménage aucun répit pour le spectateur. Et cela jusque dans l'ultime scène rappelant le bon vieux temps des serials.
Aux commandes du galion, on retrouve un jubilatoire Johnny Depp dont le cabotinage sert à merveille un personnage excellant dans la perfidie. Le couple formé par Orlando Bloom et la jolie Keira Knightley s’en sort plus qu’honorablement. Ce second chapitre se veut nettement plus sombre et captive, aidé par des effets visuels du plus bel acabit (mention spéciale à l’équipage combinant crustacé et coquillage) ainsi que par une partition musicale des plus toniques signée Hans Zimmer.
Alors laissez-vous embarquer dans ces péripéties rocambolesques qui exaltent un parfum d’exotisme et de mystère et contemplez les prouesses de ces intrépides flibustiers. A l’abordage, moussaillon !
PIRATES DES CARAIBES : JUSQU’AU BOUT DU MONDE (2007) de Gore Verbinski avec Johnny Depp, Keira Knightley, Orlando Bloom, Geoffrey Rush.
Tourné dans la foulée du second, ce troisième volet livre à nouveau un spectacle enchanteur et complète une saga qui a réconcilié avec le film de pirates, un genre à part tombé en disgrâce. Bon nombre de questions étaient restées en suspens sur la disparition de Jack puis sur le retour soudain de Barbossa qui avait laissé le spectateur sur un fabuleux "A suivre". C'est donc reparti pour le fracas des sabres, les cannonades et une tempête à la clé.
Le film débute alors que l’âge d’or de la piraterie connaît son crépuscule. A une scène d’ouverture au ton morbide succède une série d’intrigues faites d’alliances et de trahisons. A contrecœur, Will Turner et Elizabeth Swann s’allient au capitaine Hector Barbossa revenu d’entre les morts afin de ramener Jack Sparrow, prisonnier de l’antre désertique de Davy Jones. Leur objectif étant de rallier les neuf seigneurs de la Cour des Frères face au terrifiant vaisseau fantôme de Davy Jones, désormais au service de l’armada de Lord Cutler Beckett à la tête de la Compagnie anglaise des Indes Orientales.
L'itinéraire de nos héros sera jalonné de multiples épreuves à traverser qui détermineront l’avenir et la liberté des flibustiers des quatre coins du globe. Le spectateur est donc invité à voyager des décors de la fiévreuse Singapour jusqu’à la vertigineuse séquence du maelström donnant lieu à une dantesque bataille navale entre le Black Pearl et le Hollandais Volant. A ce titre, les moyens mis à disposition se révèlent à la hauteur des prétentions scénaristiques. A mesure que le récit se déroule, les enjeux posés dans le précèdent chapitre se résolvent, comblant l'attente des fans. En outre, l’histoire dévoile quelques beaux coups de théâtre en plus d’adresser divers clins d’œil à la mythologie grecque (une déesse et un détour par l’au-delà), au guitariste Keith Richards en gardien du temple et à un mythique western de Sergio Leone. On déplorera toutefois le manque de développement quant au personnage de Sao Feng interprété par l’excellent Chow Yun Fat.
Au milieu de cette bande de joyeux protagonistes, Keira Knightley tient le rôle de la femme déterminée et téméraire. Johnny Depp se montre toujours aussi à l’aise en corsaire maniéré et apporte la touche d’humour indispensable grâce à des répliques savoureuses et des joutes verbales auxquelles participe un Geoffrey Rush impérial en capitaine Barbossa. Quant à Orlando Bloom, il reste en retrait même si son personnage a un côté plus ambigu.
Dotée de péripéties s'enchaînant sur un rythme ahurissant, cette troisième aventure épique clôt de manière élégante une trilogie haut de gamme dont le pari était de pousser le divertissement à son paroxysme et de proposer un véritable passeport pour l’évasion alors que se profilerait déjà à l'horizon un quatrième opus. Une dernière note concerne une scène ajoutée après le générique final et qui pour une fois, ne tient pas du bonus animalier. Ceux qui ont vu les deux autres épisodes comprendront.
LE ROI ARTHUR (2004) de Antoine Fuqua avec Clive Owen, Keira Knightley, Stellan Skarsgard.
L’épopée du Roi Arthur et ses chevaliers de la table ronde a traversé les siècles notamment par le biais des célèbres écrits de Chrétien de Troyes. Le conte du Graal a ensuite connu de beaux jours sur grand écran : en 1953 avec Les chevaliers de la table ronde de Richard Thorpe et en 1981 avec le mystique Excalibur mis en scène par John Boorman.
Spécialisé dans le registre du film d’action (le polar Training Day), Antoine Fuqua s’est penché sur ce personnage emblématique pour démystifier son aura mythique et privilégier l’aspect historique tout en conservant un certain réalisme pour la reconstitution. Vous connaissiez la légende, découvrez l’homme. D’emblée, le contexte change et le Moyen Age laisse place en toile de fond à un Empire Romain qui amorce son déclin. Arthur, de son vrai nom Lucius Artorius Castus, commande une bande de mercenaires Sarmates au service de Rome et doit accomplir une dernière mission pour gagner la liberté. Pour cela, il devra affronter les cruels Saxons.
Arthur et ses vaillants chevaliers, autant de héros romanesques qui véhiculent des valeurs comme le courage, l’honneur et la loyauté. Leurs noms sont synonymes de noblesse, d’épreuves et de justice. Arthur, Lancelot, Guenièvre, Merlin, la table ronde, Excalibur, le spectateur ne sera pas dépaysé bien que le récit occulte volontairement tout élément fantastique (en l’occurrence, Morgane la fée et Mordred, le fils maudit d’Arthur n’apparaissent plus). Elément de poids qui change : Merlin est devenu le chef de la tribu des Guèdes et l’ennemi mortel d’Arthur. Ce dernier et ses chevaliers athées doivent également rendre des comptes à un ordre ecclésiastique particulièrement hypocrite et manipulateur. La quête du Saint Graal revêt quant à elle, une autre forme : celle de la liberté, chose aussi précieuse que la vie éternelle. Les séquences inhérentes à ce genre de production répondent à l’appel : les scènes de batailles (dont une très réussie sur un lac de glace) évoquent celles de Braveheart ou Gladiator et les plans iconographiques ne manquent pas. Entrecoupant l’aventure de passages intimistes, le réalisateur opte pour une mise en scène plutôt sobre qui s’accommode à une photographie aux tons bleutés et n’abuse pas des traditionnels ralentis et de la surenchère en effusions de sang. Une fausse note pourtant, le compositeur Hans Zimmer a tendance à plagier ses propres partitions de Gladiator.
Mais ce qui réhausse principalement le film, c’est la qualité de l’interprétation d’acteurs de second plan. Ainsi Clive Owen (La mémoire dans la peau) incarne un Arthur guidé par son sens du devoir et un charismatique meneur d’hommes, Keira Knightley (Pirates des Caraïbes) en séduisante mais redoutable amazone et surtout un impressionnant Stellan Skarsgard (Will Hunting) sous les traits de l’ignoble chef des Saxons.
Malgré quelques faiblesses, ce spectacle épique offre une passionnante relecture de la légende arthurienne qui se veut également un bel hymne à la liberté.