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DANS LA TOILE DE L'ARAIGNEE
Dossier de Fabien Rousseau
Il semble que la bande dessinée soit devenue l'une des sources les plus prolifiques du septième art. Sortes de demi-dieux, les super-héros ont contribué grâce à leurs exploits, à ériger une mythologie moderne. Ceux-ci évoluant dans un environnement se situant à mi-chemin entre fiction et réalité. Ainsi, deux surhommes de légende ont trouvé un certain relief à l'écran : Superman de Richard Donner en 1978 puis Batman de Tim Burton en 1989 ont remporté un succès mondial. C'est dans la perspective de satisfaire les fans de comics les plus endurcis que les producteurs se sont engagés en adaptant les péripéties des plus grands super-héros bien souvent marvelliens.
LES ORIGINES
En 1953, Joe Simon crée un logo Spiderman mais abandonne l'idée. Simon s'adjoint les services du scénariste Jack Oleck et du dessinateur C.C. Beck pour donner naissance à Silver Spider qui est un adolescent orphelin tirant ses pouvoirs d'une bague magique. Il restera à l'état de projet. En 1959, Joe Simon et Jack Kirby reprennent le concept de Spiderman qui devient The Fly (La Mouche) dont le costume s'inspire de Night Fighter, esquissé en 1954. Le personnage débute en juin 1959 dans Double Life of Private Strong qui narre les exploits de Lancelot Strong alias The Shield, un prédécesseur de Captain America, publié chez le concurrent Archie Comics. En 1961, Jack Kirby apporte à Stan Lee, un logo Spiderman proche de celui de Simon. Ce dessin lui rappelle le pulp The Spider imaginé par Harry Steeger en 1933. En voyant une mouche sur un mur, Lee pense au nom d'Insect-Man puis Mosquito-Man avant de valider définitivement Spider-Man.
Amazing Fantasy #15 : la couverture de Jack Kirby
et celle non-retenue de Steve Ditko
Couverture du 1er numéro :
Jack Kirby + Steve Ditko
En 1962, Stan Lee vient (avec la collaboration de Jack Kirby) de redonner un certain dynamisme à l’univers moribond des comic-books avec les créations successives des 4 Fantastiques et de Hulk. Il rencontre Martin Goodman, l'éditeur du groupe Marvel Comics pour lui proposer ce nouveau super-héros atypique à l'allure chétive. En raison de l'image négative de l'arachnide, Goodman doute sérieusement du capital sympathie mais décide tout de même de lui laisser sa chance dans Amazing Fantasy, un recueil d’histoires fantastiques dont la publication était sur le point de s’arrêter. Avec une couverture de Jack Kirby, le numéro 15 sort en août 1962 sans aucune promotion. Ecrit par Stan Lee et dessiné par Steve Ditko qui imagine le costume complet, il raconte les origines en 10 pages et s’affiche comme l’une des plus fortes ventes de l’année. En mars 1963, le magazine reparaît sous le titre The Amazing Spider-Man qui marque le début des aventures de l’homme-araignée confronté au Caméléon. En France, l'Araignée fait sa première apparition dans le numéro 4 de la revue Fantask en mai 1969.
En donnant naissance à Spider-Man, Stan Lee voulait répondre à la demande d'une jeunesse réclamant un super-héros adolescent (habituellement confiné au rang d’acolyte comme Batman et Robin) vulnérable qui soit ancré dans la réalité quotidienne : en effet, Peter Parker s’inquiète pour sa famille, connaît les tracas financiers et se cherche une petite amie.
LE PERSONNAGE
Orphelin depuis l’âge de 6 ans, Peter Parker est recueilli et élevé par son oncle Ben et sa tante May vivant à New York dans le quartier du Queens. Etudiant brillant, Peter obtient un diplôme en biophysique. Au cours d’une expérience sur les effets de la radioactivité, il est mordu par une araignée irradiée et ne tarde pas à découvrir ses nouveaux pouvoirs lorsqu’il parvient de justesse à éviter une voiture roulant à pleine vitesse. Sous une identité anonyme, il décide de participer à un combat de catch qu'il remporte. Remarqué pour ses dons d’acrobate, il est engagé pour passer dans une émission télévisée avec l'Araignée comme nom de scène. Après une représentation télévisuelle, un cambrioleur fait irruption dans les studios mais Peter grisé par le succès, le laisse s’échapper. Quelques jours plus tard, l’oncle de Peter est assassiné par un malfaiteur. Il traque ce dernier qui se révèle être le voleur croisé dans les studios. Rongé par le remord, Peter jure de mettre ses dons au service de la lutte contre le crime sous le déguisement de l’Araignée. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités devient son adage. Pour subvenir à ses besoins, Peter vend des photos de lui-même au quotidien le Daily Bugle dont le directeur J. Jonah Jameson orchestre une véritable campagne d’hostilité afin de discréditer les actes de l’Araignée auprès du public. Sur le plan sentimental, Peter a eu une relation avec Liz Allen (futur épouse d'Harry Osborn), Betty Brant (secrétaire du Daily Bugle), Gwen Stacy, Felicia Hardy (alias La Chatte Noire) et s'est marié avec Mary Jane Watson.
La morsure de l’araignée radioactive a considérablement modifié le métabolisme de Peter qui a hérité des capacités de l’arachnide. Sa force physique et ses réflexes se sont multipliés : il est plus souple et plus rapide. Ses doigts et ses pieds adhèrent à n’importe quel type de surface de même que sa perception extrasensorielle (sens d’araignée) le prévient de tout danger imminent. Grâce à ses connaissances scientifiques, Peter a élaboré des bracelets lance-toiles fixés aux poignets qui projettent un fluide se solidifiant au contact de l’air et imitant la forme d’une toile d’araignée. Ce système est alimenté par une réserve de cartouches accrochée sur une ceinture cachée sous le costume.
Dans les décennies suivantes, Spidey changera de costume à de nombreuses reprises : le symbiotique, Iron Spider (conçu par Tony Stark), l'armure, le furtif ou fondation du futur (période 4 Fantastiques). De multiples versions dérivées verront également le jour avec Scarlet Spider (Ben Reilly et Kaine Parker, les clones de Peter), Ultimate (Miles Morales), 2099 (Miguel O'Hara), Spider-Woman (Jessica Drew et Julia Carpenter) ou Spider-Girl (May Parker, la fille de Peter et MJ).
Quant à ses adversaires, les plus célèbres demeurent le Caméléon (Dmitri Smerdiakov), le Vautour (Adrian Toomes), Dr. Octopus (Otto Octavius), l'Homme-sable (William Baker ou Flint Marko), le Lézard (Curt Connors), Electro (Maxwell Dillon), Mystério (Quentin Beck), le Bouffon vert (Norman Osborn), Kraven le chasseur (Sergei Kravinoff), le Scorpion (McDonald Gargan), le Rhino (Aleksei Sytsevich), le Shocker (Herman Schultz), le Caïd (Wilson Fisk), le Super-Bouffon (Roderick Kingsley), Venom (Eddie Brock) et Carnage (Cletus Kasady).
DU PAPIER A LA PELLICULE
En 1977, les exploits de Spider-Man sont portés à l’écran par E.W. Swackhamer dans L’Homme-Araignée (The Amazing Spider-Man), pilote d’une série TV exploité dans les salles européennes. Dans ce téléfilm, Nicholas Hammond revêt le collant bleu et rouge avec un masque muni de lentilles afin de s'opposer à un maître chanteur capable d’hypnotiser ses victimes pour les pousser au suicide. Produit par la Columbia et bénéficiant du concours du créateur Stan Lee crédité en tant que conseiller au scénario, cette fiction se révéla affligeante notamment sur le plan esthétique.
La notoriété du super-héros est une nouvelle fois mise à mal avec La riposte de l’Homme-Araignée (Spider-Man Strikes Back) réalisé par Ron Satlof en 1978 (en fait deux épisodes remontés) où un terroriste menace de raser une grande métropole avec une bombe atomique. La piteuse série TV composée de 13 épisodes (1978-1979) qui en découla, ne vint pas relever pas le niveau. La saison 2 se clôtura en 1979 par le téléfilm Spider-Man défie le Dragon (The Dragon's Challenge/The Chinese Web), un double épisode signé Don McDougall où l'arachnéen devient l'ange-gardien d'un ministre chinois victime d'un complot.
1977 : Spidey de New York à Hong Kong
1978 : version sentai
avec bracelet magique
En 1978, la série connut même une déclinaison de 41 épisodes produits par la firme japonaise Toei. Cette autre variation trahissant à sa manière l’essence du comic. Supaidaman raconte les aventures du jeune Shinji Todo (Takuya Yamashiro) qui hérite d'un bracelet avec de l'ADN d'araignée lui donnant des pouvoirs. Il a pour mission de combattre le Groupe de la Croix d'acier dirigé par le professeur Monster et peut se servir d’engins spatiaux ou de Leopardon, un robot géant pour repousser les créatures extra-terrestres en caoutchouc.
Dans le domaine de l'animation, plusieurs séries ont été produites par Marvel : L'Araignée (1967-1970, 77 épisodes), Spider-Man (1994-1998, 65 épisodes), Les nouvelles aventures de Spider-Man (1999, 13 épisodes), Spider-Man : Les nouvelles aventures (2003, 13 épisodes) et Spectacular Spider-Man (2008-2009, 26 épisodes).
DE CANNON A JAMES CAMERON
Au début des années 80, le producteur Roger Corman s’intéresse à une nouvelle adaptation qui est vite abandonnée, faute de moyens conséquents. Cinq ans plus tard, le producteur Menahem Golan (associé de Yoram Globus) achète les droits d'adaptation pour le compte de sa société Cannon Films spécialisée dans la série B. Tobe Hooper est d'abord choisi afin de réaliser un long métrage prévu pour Noël 1986.
Dans le premier jet du scénario écrit par Leslie Stevens (le créateur de la série Au-delà du réel), une communauté scientifique irradie volontairement le photographe Peter Parker qui se transforme en tarantule humaine à huit bras et sombrant dans la folie. Mécontent du traitement réservé à son personnage, Stan Lee demande une réécriture totale du script. Ted Newsom et John Brancato proposent alors une version modifiée des origines où le collégien Peter Parker a pour mentor et professeur, le savant Otto Octavius. Un accident se produit dans son laboratoire et les deux hommes sont soumis à des irradiations. L'un devient Spider-Man tandis que l'autre prend le nom d'Octopus mais il est atteint de démence. Il construit alors une machine générant un champ de force qui provoque des catastrophes dans la ville de New York. Certaines idées seront reprises pour le second Spider-Man de Sam Raimi.
Joseph Zito remplace Tobe Hooper au poste de réalisateur. Le cascadeur Scott Leva est engagé pour incarner Peter Parker/Spider-Man tandis que Bob Hoskins serait le docteur Octopus. Tom Cruise est également suggéré pour le rôle principal. Le projet est abandonné suite à un différend artistique (et financier) entre le producteur et Stan Lee. En 1987, Superman IV connaît un bide retentissant puis la Cannon dépose le bilan deux plus tard. Menahem Golan fonde en solo sa nouvelle compagnie baptisée 21st Century puis recrute le réalisateur Albert Pyun pour une version fauchée de Captain America, autre icône de la Marvel.
Affiche teaser du
projet de 1986
Affiche parodique signée
Brian Stelfreeze
Visuels du projet
par James Cameron
Le storyboard du projet par James Cameron
En 1991, le concept ressuscite lorsque James Cameron fait part de son intention de mettre en scène les aventures de l'arachnéen. Aussitôt, la société Carolco (fondée par les producteurs Mario Kassar et Andrew G. Vajna) fait l'acquisition des droits. Des rumeurs circulent sur un éventuel casting : Edward Furlong ou Michael Biehn en Peter Parker, Arnold Schwarzenegger en Octopus, Lance Henriksen ou Jim Carrey en Bouffon Vert, Drew Barrymore en Gwen Stacy, Katharine Hepburn ou Angela Lansbury en Tante May, R. Lee Ermey ou Robert Wagner en J.J. Jameson, Jonathan Frakes (de Star Trek) en Kraven.
James Cameron développe un script qui suscite l'enthousiasme de Stan Lee et optant pour une approche inédite du personnage, beaucoup plus sombre et plus intime dans sa relation avec Mary Jane Watson. Le scénario suit les origines classiques à part le principe de la toile organique au lieu du lanceur autour du poignet. Peter Parker est d'abord confronté à Boyd alias Sandman recruté par le capitaliste véreux Carlton Strand alias Electro pour le convaincre de se joindre à leur organisation criminelle. Si la nature de Sandman était peu changée, Electro héritait d'un pouvoir inédit lui permettant de manipuler les données informatiques par simple toucher. Le cinéaste prévoyait un titanesque affrontement final sur les tours du World Trade Center entre Spider-Man et le tandem Sandman/Electro qui ont enlevé Mary Jane Watson. Des noms sont finalement retenus pour les rôles : Leonardo DiCaprio en Peter Parker, Lance Henriksen en Sandman, Michael Biehn en Electro, Nikki Cox (qui remplace Drew Barrymore) en Mary Jane Watson et Maggie Smith en Tante May.
Dans l'intervalle, une véritable bataille juridique s'est engagée où près de cinq sociétés revendiquent les droits d'adaptation et d'exploitation (télévisée et vidéo). Certaines de ses maisons de productions ayant englobé celles en liquidation qui détiennent une partie des droits. En 1995, Carolco connaît à son tour la faillite. Initialement prévue pour 1993, la sortie du film est repoussée jusqu'à l'été 1996. Espérant voir son projet se concrétiser un jour, James Cameron signe un contrat avec la 20th Century Fox.
Courant 1999, James Cameron finit par jeter l’éponge, lassé par les différents procès accumulés. Quelques mois plus tard, la Columbia annonce avoir enfin récupéré les fameux droits au terme d’une longue négociation avec le groupe Marvel et la Metro Goldwyn Mayer.
SPIDER-MAN (2002)
Pour la réalisation, les noms de John Woo, Jan de Bont et David Fincher ont été d’abord évoqués par la Columbia. Ce fut finalement Sam Raimi, auteur de la trilogie Evil Dead qui manifesta le plus d’ardeur à mener l’entreprise, lui-même étant un fan de la BD. Son intention étant de s’attarder sur la dimension humaine du personnage. Dans le genre, le cinéaste avait déjà fait ses preuves avec Darkman, un vengeur masqué (incarné par Liam Neeson) qui s’inscrivait dans un esprit résolument comic-book.
Pour endosser le costume, la Columbia avait pressenti des acteurs comme Leonardo di Caprio, Jude Law ou encore Freddie Prinze Jr. L’éclectique Tobey Maguire démontra qu’il pouvait s’investir dans ce rôle très physique. L’excellent comédien Willem Dafoe a été choisi pour personnifier son adversaire après que Nicolas Cage et John Malkovich se soient retirés du projet. Quant au personnage principal féminin, il est interprété par Kirsten Dunst qui a été préférée à Julia Stiles et Alicia Witt. La distribution s’est complétée avec James Franco (Harry Osborn), J.K. Simmons (J. Jonah Jameson), Cliff Robertson (Oncle Ben) et Rosemary Harris (Tante May).
Le scénario est signé David Koepp qui aurait conservé certains éléments du script originel de James Cameron. Par exemple, le traitement de ce dernier avait opté pour que la toile sorte directement des poignets du héros et non plus artificiellement. La musique est dirigé par Danny Elfman, compositeur attitré de Tim Burton. Les effets visuels sont supervisés par le vétéran John Dykstra (oscarisé en 1978 pour les techniques révolutionnaires de Star Wars) tandis la société Sony Pictures Imageworks s’est chargée de la partie numérique (incluant les acrobaties aériennes de Spider-Man et du Bouffon Vert qui se déplacent dans un New-York virtuel).
Le film relate la jeunesse de Peter Parker/Spider-Man : étudiant plutôt mal dans sa peau, Peter est ami avec Harry Osborn et s'est secrètement amouraché de sa voisine Mary Jane Watson. Mordu par une araignée génétiquement modifiée (et non plus radioactive), l'étudiant se découvre des dons qu’il apprend d’abord à maîtriser par intérêt personnel, manquant encore de maturité. Dans le même temps, le riche industriel Norman Osborn, père de Harry, s’expose à des produits chimiques. L’expérience accroît certaines de ses facultés mais engendre une folie meurtrière. Il revêt alors l’armure du Bouffon Vert. Suite à une tragédie personnelle, Peter se rendra compte qu’il est le seul capable d’arrêter le dangereux criminel et travaillera occasionnellement comme photographe pour un journal.
A l’instar de Bryan Singer pour X-Men, Sam Raimi réussit le pari d’offrir une adaptation à la fidélité exemplaire (à quelques détails près). La première partie se penche sur le cas de Peter Parker : étudiant timide mais doué qui tente vainement d’attirer l’attention de Mary Jane Watson. Spider-Man apparaît comme un film sur le difficile passage à l’âge adulte qui s’accompagne également d’une émouvante histoire d’amour. Dès les premiers plans, les choix de Tobey Maguire et Kirsten Dunst semblent pleinement justifiés : leur interprétation sonne juste, tout en sensibilité et confère une réelle épaisseur psychologique aux rôles. Le récit prend son temps pour les exposer avant d'enchaîner les genres. Ainsi, il passe de la comédie (l’apprentissage des pouvoirs) au drame (le meurtre de l’oncle Ben) puis à l’action (la prise de conscience des responsabilités). Un autre thème abordé est celui de la figure paternelle à travers les personnages d’oncle Ben et surtout Norman Osborn qui admire l’esprit scientifique de Peter, mais néglige son fils Harry. L'ambigu industriel est incarné avec charisme par l’excellent Willem Dafoe qui livre une performance glaçante devant un miroir où émerge sa personnalité schizophrène.
Le blockbuster reprend ses droits dans la deuxième partie où une fois de plus, Sam Raimi respecte le matériau d’origine et comble l’attente des lecteurs assidus de Spidey, Strange ou Nova. Le tisseur de toiles (moins enclin à la moquerie que son homologue papier) se déplace dans les airs avec une étonnante fluidité et les séquences d’affrontement font écho aux cases de la bd comme la scène du téléphérique qui rappelle un épisode marquant avec Gwen Stacy. De même que le premier combat durant la parade, adresse quelques clins d’oeil au Superman de Richard Donner et dévoile l'esthétisme raté de l'armure du Bouffon Vert. Autre lacune plus furtive, un plan sur la bannière étoilée totalement inutile. Il aurait été plutôt bienvenue de voir cette image où Peter s’éloigne dans le crépuscule avec la silhouette de Spider-Man dans son ombre.
La recette se révèle toutefois gagnante voire enthousiasmante sur de nombreux points. La suite est déjà attendue avec impatience car elle promet d'autres aventures trépidantes de l’Homme-araignée.
A noter : Suite aux tragiques attentats du 11 septembre 2001, une séquence de hold-up dans une banque a été retirée. Elle figurait dans un montage promotionnel où l’hélicoptère des braqueurs était pris au piège dans une toile d’araignée géante tendue entre les tours du World Trade Center.
SPIDER-MAN 2 (2004)
Il y avait longtemps qu’un blockbuster n’avait réussi à susciter autant d’enthousiasme et Sam Raimi réalise une séquelle que l’on peut d’ores et déjà ranger à côté de L’Empire contre-attaque, Terminator 2 ou X-Men 2. Car la fonction d’une suite n’est pas de réchauffer ce qui a été déjà montré et Sam Raimi l’a bien compris puisqu’il prend le parti d’étoffer les personnages en les rendant plus complexes voire plus attachants.
Les premières images dévoilent un sublime générique illustré par l’artiste Alex Ross récapitulant les moments clés du précèdent épisode. Ce second volet est avant tout l’histoire d’un dilemme : Peter Parker se sentant toujours coupable de la mort de son oncle, voltige dans les airs en jouant les justiciers dans son costume rouge et bleu. Il a de plus en plus de mal à garder un emploi et les relations se dégradent avec ses proches surtout avec Mary-Jane et Harry Osborn. Doit-il faire passer Spider-Man avant eux ? La frustration devient trop forte et Peter sera obligé de jeter le masque.
Il est vrai que le scénario de base reprend l’intrigue du comics intitulé Spider-Man No More (La fin de Spider-Man) où le super-héros traverse une grave crise identitaire (le plan du costume dans la poubelle est repris d'une planche iconique du dessinateur John Romita) et que les grandes lignes rappellent Superman II où le Kryptonien renonce à ses pouvoirs par amour. Affranchi de toutes ses références, Sam Raimi livre une réflexion sur la nature et les états d’âme d’un super-héros. Peter a beau être doté de pouvoirs arachnides, il n’en a pas moins de difficultés à exercer une vie normale d’étudiant ou de livreur de pizza tout en étant au service du public. Peter se retrouve face à un choix : doit-il faire des sacrifices et accepter sa destinée ?
Un dilemme qui s'alourdit avec la présence du Docteur Otto Octavius/Octopus auquel Alfred Molina prête ses traits et une certaine ambiguïté. Ses tentacules métalliques sont véritablement terrifiantes et les combats titanesques entre les deux adversaires nous valent quelques séquences spectaculaires judicieusement réparties dans le long métrage. Les effets spéciaux servent à merveille l’histoire et apparaissent bien supérieurs au précèdent film : ainsi, il est difficile de différencier l’acteur réel de sa doublure virtuelle. Mais le plus impressionnant morceau de bravoure demeure la scène du métro où notre acrobate arachnéen se retrouve dans une position quasi-christique pour tenter un exploit hors du commun. Une séquence où la frontière entre l’homme et son image prendra toute son ampleur.
L'oeuvre baigne en permanence dans l’esprit du comics, adressant plusieurs clins d’œil aux initiés. Harry Osborn (James Franco, meilleur que dans le premier) acharné à découvrir l’identité de son ennemi mortel est hanté par le spectre du Bouffon vert (d'où cette apparition surprise) et traversera le miroir d’une manière symbolique. Des pistes sont ouvertes pour de potentiels super-vilains : le professeur Curt Connors (Dylan Baker) qui se transformera plus tard en redoutable Lézard et l’astronaute John Jameson (Daniel Gillies), le fils du patron du Daily Bugle et futur homme-loup. Un dernier détail amusant : une troubadour qui entonne la chanson du générique de la série animée de 1967.
Outre l’aspect graphique et la maîtrise technique, Sam Raimi se montre aussi virtuose dans les scènes intimes en mettant l’accent sur le relationnel, le sentimental et la psychologie. Plus le récit avance, plus l’intensité dramatique s'amplifie à mesure que le petit monde de notre héros s’effrite. Les interprètes sont toujours autant en osmose avec leur personnage. Tobey Maguire incarne avec justesse ce jeune homme pris entre solitude forcée et une romance impossible avec la charmante Kirsten Dunst. A ce sujet, les derniers instants nous dévoilent quelques beaux plans où visage découvert, Peter protège sa dulcinée dans une toile d’araignée.
Le fan du comics peut se réjouir car Sam Raimi offre la suite attendue et se distinguant par l’intelligence d’un scénario faisant la part belle aux dialogues, aux sentiments et à l’émotion mais également par une réalisation ne cédant jamais à la facilité d’un montage frénétique (cf Daredevil). Une chose est sûre : pour le troisième épisode, on se laissera prendre volontiers dans la toile.
SPIDER-MAN 3 (2007)
Il est difficile de ne pas jubiler lorsque débarque sur la grande toile une nouvelle aventure du super-héros le plus populaire de Marvel qui a fait les beaux jours du mensuel Strange. Deux années de préparation puis une campagne promotionnelle intensive avec de multiples bandes-annonces qui présageaient une suite à la tonalité plus sombre. Alors quel verdict sera adopté ? Car bien souvent les troisièmes volets échouent sur le terrain des franchises à quelques exceptions près.
Notre acrobate tisseur semble filer le parfait bonheur avec Mary Jane Watson et il est adulé par la population new yorkaise. Mais quatre ombres se profilent bientôt au tableau : son ami Harry est fermement décidé à lui faire payer la mort de son père, Flint Marko, le meurtrier de son oncle devient accidentellement L’homme-sable, un symbiote extra-terrestre lui colle à la peau et le pigiste Edward Brock Jr tente de lui voler son gagne-pain. Beaucoup de tracas qui vont lui donner du fil à retordre. Peter voit bientôt émerger une part d’ombre stimulée par un costume noir à la fonction désinhibitrice qui menace les relations avec ses proches.
Cette fois, le triangle Peter/Mary Jane/Harry constitue le pivot central de l'intrigue mais il lui manque la touche d’émotion et la dose de subtilité si particulières aux autres films. Même si le récit alterne scènes intimistes et séquences plus mouvementées, tous les enjeux dramatiques sont plombés lorsque le black Spidey est traité sur le ton de la dérision à la manière d'un Superman III de triste mémoire. L'épisode sur la grandeur et la décadence du super-héros tombe à plat en dépit de l’histoire qui prenait une bonne direction avec un Peter au sommet de sa gloire et flattant son (alter) ego. Malheureusement, par souci de retenu afin de ne pas froisser l’image de la figure protectrice, ce troisième chapitre ne tient pas ses promesses. L’autre lacune majeure du script est d’avoir misé sur la surenchère de vilains à tel point que Venom - qui aurait mérité un long métrage à lui seul vu sa popularité - semble avoir été casé à la sauvette pour faire plaisir aux fans et de ce fait, se retrouve ridiculisé.
Les acteurs assurent la continuité avec les précédents opus. Tobey Maguire passe avec aisance d’un personnage réservé et discret à un être exubérant et orgueilleux. Kirsten Dunst est touchante dans ses moments de jalousie et de déception mais c’est surtout James Franco qui démontre qu’il peut arborer une double facette. Quant aux nouveaux participants, Thomas Hadden Church confère à Flint Marko un aspect pathétique malgré ses redoutables facultés tandis que Topher Grace apporte un mélange de fantaisie et d’arrogance au rôle d’Eddie Brock. Un foisonnement de protagonistes qui réduit la présence de Bryce Dallas Howard en Gwen Stacy servant à embellir quelques scènes. Cependant, l’humour reste présent en la personne du rédacteur en chef J. Jonah Jameson et ses coups de gueule mais également avec la participation récurrente et savoureuse de Bruce Campbell dans la saga.
Sur le plan technique, les séquences d’action sont une nouvelle fois servies par des effets spéciaux d’une fluidité épatante. Il faut admirer notre voltigeur arachnéen défier les lois de la gravité ou les transformations de L’homme-sable qui devient une sorte de Golem lors du dantesque affrontement final.
Spider-Man 3 apparaît donc comme une déception malgré un divertissement bien emballé. Toutefois, la série commence à montrer des signes d’essoufflement. Il serait peut-être temps de s’arrêter sur le concept d’une trilogie qui demeure réussie sur de nombreux points à l’heure où les producteurs aspirent déjà à des épisodes 4, 5 et 6. Pour rappel, Superman et Batman avaient subi de cuisants revers à l’époque.
FOCUS : VENOM, UN VILAIN ATYPIQUE
Les origines :
En 1983, Marvel lance un appel aux dessinateurs et scénaristes débutants. Un jeune fan nommé Randy Schueller écrit une lettre pour suggérer l'idée d'un nouveau costume de couleur noire incluant du rouge pour l'emblème et les poignets ainsi que des toiles en dessous des bras en hommage à l'original de Steve Ditko. Dessiné par la styliste Janet van Dyne (alias la Guêpe), il serait fabriqué par Mr. Fantastic sur le principe des molécules instables et augmenterait les capacités d'adhérence avec une option camouflage tandis qu'un bracelet conçu par Tony Stark permettrait de lancer des toiles aux formes variées sur ordre mental. Le rédacteur en chef Jim Shooter est séduit par le concept qu'il rémunère 220 dollars et offre à Schueller l'opportunité d'écrire l'histoire de cet habit flambant neuf. Malheureusement, la coopération se termine assez vite faute de script valable. Un an plus tard, Mike Zeck et Rick Leonardi modifient le costume pour l'intégrer dans le numéro 8 de la saga Guerres secrètes (1984-1986) où le mois précèdent, la seconde Spider-Woman (Julia Carpenter) était apparue dans une tenue assez similaire. Après son séjour cosmique, le retour de Spidey sur Terre est célébré dans The Amazing Spider-Man #252 avec une couverture rendant hommage au légendaire Amazing Fantasy #15.
Afin de commémorer le 300ème numéro de la série, l'éditeur Jim Salicrup désire lancer un nouvel adversaire récurrent. Le scénariste David Michelinie propose alors une ébauche commençant avec un homme hélant un taxi pour emmener son épouse enceinte à l'hôpital mais le chauffeur distrait par Spidey en plein action, renverse accidentellement le mari qui meurt. Sa femme perd aussi l'enfant, devient folle et fusionne avec le symbiote pour se venger du super-héros qu'elle rend responsable de cette tragédie. L'éditeur apprécie l'idée mais ne croit pas au potentiel de la super-vilaine et David Michelinie aidé de Paul Jenkins élaborent le passif du journaliste Eddie Brock. La version féminine réapparaîtra en 1995 sous une autre forme baptisée Miss Venom. En avril 1988, le numéro 299 dévoile Venom au grand jour grâce au crayon de Todd McFarlane (le futur créateur de Spawn) qui lui donne son apparence monstrueuse. Cet aspect sera renforcé en 1991 par Mark Bagley qui apportera un côté plus bestial.
Mike Zeck & John Beatty
Todd McFarlane
Mark Bagley
L'histoire :
Les symbiotes, une race extra-terrestre insensible appelée Klyntar colonise les mondes en se nourrissant de l'adrénaline de leurs hôtes. L'un d'eux, le Symbiote #998 se démarque en préférant la cohabitation avec l'hôte plutôt que le parasitisme. Considéré comme un hérétique par les siens, il est transféré dans une prison sur la lointaine planète Battleworld créée par le Beyonder, une puissante entité cosmique. Ce monde est justement le théâtre d'une guerre où les super-héros menés par Captain America sont confrontés aux super-vilains avec à leur tête le docteur Fatalis. Ayant déchiré son costume, Spider-Man cherche une machine à dupliquer dans un laboratoire mais libère par mégarde une étrange boule noire qui le recouvre de la tête aux pieds. De retour sur la Terre, l'Araignée découvre que la combinaison noire a la capacité de générer des toiles et de se rétracter sur simple ordre mental.
Bouleversé par la révélation de son adversaire le Puma sur la nature organique de ses toiles, Spidey consulte Red Richards, le leader des 4 fantastiques qui lui annonce que son costume est un être vivant cherchant à fusionner mentalement et physiquement avec son hôte. Mr. Fantastic réussit à les séparer grâce à une rafale de fusil sonique mais le symbiote s’échappe et par une ruse, réintègre le corps de Peter Parker. Peter se rend alors dans une église et grâce aux sons stridents d’une cloche parvient à se débarrasser de son encombrant parasite. Réfugié dans la nef de l’église, le symbiote ne tarde pas à trouver un nouvel hôte : l'ex-journaliste Edward Brock tombé en disgrâce par la faute de Spider-Man. Le symbiote perçoit le désespoir du jeune homme venu prier et surtout la haine qu’il voue au tisseur.
Les deux êtres fusionnent pour devenir Venom. Les pouvoirs du symbiote arrêtent la progression du cancer de Brock qui hérite des capacités et des souvenirs de Spidey. Venom se met à harceler Peter et ses proches mais il est vaincu puis enfermé à la Voûte, une prison spéciale où il fera des séjours réguliers. Lors d’un court passage dans une autre prison, Brock laisse un morceau du symbiote qui contamine le sang du tueur en série Cletus Kassady. Le dangereux psychopathe s'évade et sème la terreur sous le nom de Carnage. Au contraire de ce dernier, Venom a pour principe de protéger les innocents et de tuer les criminels. Il décide de s'allier temporairement avec Spidey pour arrêter Carnage.
Abandonné par Eddie Brock, Venom trouve divers hôtes dont le gangster Angelo Fortunato, Mac Gargan (alias le Scorpion), Anne Weying, l'ex-épouse d'Eddie sous le nom de Miss Venom et Flash Thompson dans la série Agent Venom. Carnage transforme Ben Reilly (un clone de Peter Parker) en Spider Carnage, le Surfeur d'argent en Cosmic Carnage et Norman Osborn en Red Goblin. Un descendant de Carnage contamine le policier Patrick Mulligan qui devient le justicier Toxin. De son côté, Eddie Brock voit son cancer revenir mais il est guéri par Martin Li alias Mister Negative. Ce pouvoir agit également sur les résidus cellulaires du symbiote et Eddie se métamorphose en Anti-Venom, une créature plus puissante que les précédentes. Dans d'autres récits, Spider-Man et Venom s'allient pour stopper les symbiotes soldats Agony, Lasher, Phage, Riot et Scream issus d'expériences sur Venom. Le duo se reformera avec Scarlet Spider afin d'empêcher l'invasion d'une armée de symbiotes venue de l'espace.