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Chronique de Fabien Rousseau
Ulysse, coordinateur de la paix solaire fête l'anniversaire de son fils Télémaque en lui offrant Nono. A bord de l'Odysseus contrôlé par l'ordinateur Shyrka, Ulysse et son équipage quittent la station spatiale de Troie en direction de la Terre. En chemin, le vaisseau est abordé par une étrange sphère qui enlève Télémaque pour l'emmener sur une planète inconnue. Ulysse et Nono découvrent que des moines aveugles adorateurs du Cyclope vont sacrifier Télémaque, Thémis et Noumaïos de Zotra à leur divinité. Ils délivrent les captifs et détruisent le Cyclope, fils de Poséidon, entraînant la colère des dieux qui précipitent l'Odysseus dans l'univers de l'Olympe et figent les compagnons. Ulysse, Télémaque, Thémis et Nono devront errer dans l'espace et affronter différentes épreuves dans l'espoir de revoir la Terre.
UN FUTUR HOMERIQUE
L'épopée de la société DIC (Diffusion Information Communication basée à Tours) voit le jour en 1971 sous l'initiative du jeune Jean Chalopin qui est rejoint trois ans plus tard par Bernard Deyriès, un professeur de dessin nommé directeur artistique. La DIC prodigue d'abord des spots publicitaires avant d'obtenir des contrats publics pour de courts dessins-animés à but pédadogique. Le phénomène Star Wars va bousculer cette routine et incite Chalopin à envisager un long métrage d'animation baptisé Ashraz où Ulysse apparaît déjà comme le héros. Chalopin, Deyriès et Gilbert Wolmark, le directeur commercial réfléchissent sur le concept qui est concrétisé par les dessins d'Afroula Barbaud et Philippe "Manchu" Bouchet, célèbre illustrateur de science-fiction influencé par le style de Chris Foss. Le projet est rapidement écarté en raison de son manque d'originalité. En 1978, Jean Chalopin, Gilbert Wolmark et sa femme Nina commencent à développer la série comme une adaptation futuriste de L'Odyssée d'Homère où Ulysse est pensé comme une figure paternelle, un personnage rusé et habile qui utilise la violence en dernier recours et donc très différent de son homologue littéraire décrit parfois avec un tempérament plutôt guerrier et fourbe. Le contexte space opera est imaginé par Chalopin tandis que Nina Wolmark se charge des références au poème d'Homère et à la mythologie grecque en général. Une nouvelle fois, Manchu et Afroula Barbaud s'affairent sur d'autres visuels.
L'année suivante, Jean Chalopin présente son projet à Hélène Fatou, la directrice des programmes FR3 qui est séduite par l'aspect éducatif. Elle lui propose un créneau de 5 minutes avant le journal télévisé de 20 heures. Devant l'ampleur de la tâche, Chalopin constate que les infrastructures sont insuffisantes en France mais son complice René Borg lui suggère de produire la série au Japon où il avait réalisé Oum le dauphin. Une occasion se présente en avril lors du MIP TV (Marché international des programmes de télévision) qui lui permet de rencontrer Yutaka Fujioka, le président de TMS (Tokyo Movie Shinsha). Celui-ci partage la vision créative et ambitieuse de Chalopin et au terme de six mois de négociations, la collaboration franco-japonaise prend forme. Dans la version initiale, Ulysse est un être mi-homme, mi-machine, atteint d'une maladie incurable qui est attenuée par une sphère portant le numéro 31 et fabriquée par son père Laerte. Ulysse fusionne avec cette boule lumineuse alimentée par l'énergie solaire qui décuple par ailleurs ses facultés physiques et mentales. Le studio japonais se montre favorable mais souhaite que le héros soit entouré d'une petite famille. René Borg prend modèle sur Jean Chalopin pour le visage d'Ulysse et crée Nono, le petit robot. Nina Wolmark apporte une touche féminine avec Thémis (déesse de la justice dans la mythologie grecque), la petite zotrienne aux pouvoirs surnaturels. Télémaque, le fils d'Ulysse et Noumaïos, le frère de Thémis font également leur apparition. Chalopin souhaite innover pour les mouvements de l'Odysseus ayant la forme d'un anneau vert en fil de fer qui sera animé en images de synthèse mais les contraintes de budget et de temps le poussent à revoir ses perspectives. René Borg et Shigetsugu Yoshida réalisent le pilote scénarisé par Jean Chalopin, Nina Wolmark et Borg. Le court n'est pas assez convaincant pour être présenté au MIP TV de 1980 et René Borg quitte la production pour divergences sur l'animation mais reste en tant que conseiller artistique.
Bernard Deyriès est appelé d'urgence à Tokyo où il doit diriger l'équipe japonaise dont le directeur de l'animation Shingo Araki (Goldorak, Les Chevaliers du Zodiaque) et sa collaboratrice Michi Himeno qui s'occupent de redessiner les personnages tandis que Shoji Kawamori (Macross) du studio Nue conçoit les vaisseaux et les mechas qui sont supervisés par Bandaï pour la commercialisation des produits dérivés. L'Odysseus (traduction latine d'Ulysse) devient une sorte de navire militarisé mais il est rapidement allégé de son artillerie lourde. A la réalisation, Deyriès est bientôt entouré de trois assistants et du producteur Hirano. Entretemps, la DIC s'installe à Paris où le directeur de production Max Saldinger et Bruno Bianchi doivent combler le départ de Manchu en ayant recours aux talents de François Allot et Philippe Adamov qui imaginent les protagonistes secondaires. En dépit des différences culturelles posant des problèmes de compréhension, les scénarios sont menés à terme par Jean Chalopin, Nina Wolmark et Yoshitake Suzuki. Les 26 épisodes exploitent les étapes de l'Odyssée tout en intégrant certains mythes comme Sisyphe, Thésée et le Minotaure, les travaux d'Hercule (Atlas, l'hydre de Lerne), Œdipe et le Sphynx ou Orphée aux enfers.
Le doublage d'Ulysse est confié au comédien Claude Giraud qui prêtera sa voix au téméraire Indiana Jones ou au capitaine Jean-Luc Picard dans les films Star Trek. Le timbre glaçant de Zeus est interprété par Jean Topart qui était le narrateur de Rémi sans famille et reviendra pour les documentaires des Mystérieuses Cités d'or. Pour la partie sonore, les musiciens Ike Egan et Denny Crockett œuvrent sur les différents thèmes. Haim Saban et Shuki Levy composent d'autres pistes dont les génériques français chantés par Lionel Leroy puis Jacques Cardona du groupe Apollo (Ulysse revient) pour la rediffusion de 1983. De son côté, Jean Chalopin n'a pas abandonné le procédé des images virtuels et fait appel à la firme Computer Image de Denver dont le logiciel Scanimate permet l'insertion de plans cosmiques parfois teintés de psychédélisme dans le générique et dans quelques séquences.
Le second pilote remporte un beau succès au MIP TV de 1981. La série est d'abord lancée sur RTL Luxembourg à partir du 12 septembre 1981 avant de débarquer le 3 octobre 1981 sur FR3 en segments de 5 minutes dans la tranche horaire de 19h55 puis l'épisode est diffusé en intégralité le samedi à 18h30. La série a un impact important sur le jeune public dont l'intérêt grandit pour l'antiquité notamment la fascination pour les héros et les dieux de la mythologie grecque. Les jouets Popy font rêver les enfants et les adaptations bd sont publiées dans différents formats. L'épopée d'Ulysse 31 ne s'arrête pas pour autant car en 2007, une copie VHS en japonais du fameux pilote perdu signé René Borg a été mis en ligne. La version française semble avoir refait surface et réserve quelques surprises car hormis la présence de Jean Topart, Ulysse est joué par Philippe Ogouz (Capitaine Flam, Musclor ou Ken le survivant) tandis que l'un des compagnons est doublé par Georges Aminel connu pour être la voix de Dark Vador dans les épisodes 3, 5 et 6. Quant à la DIC, elle produira des divertissements animés comme Les Mystérieuses Cités d'or (1982-2021), Inspecteur Gadget (1983), MASK (1985) ou Jayce et les Conquérants de la lumière (1985).
CONCLUSION
Ulysse 31 stimule l'imagination et se veut une véritable invitation au voyage dans l'inconnu. Les épisodes alternent entre l'action, le suspense, le mystère et l'émotion sur un rythme toujours alerte, distillant souvent un climat anxiogène. En outre, les scénarios proposent une vision modernisée et intelligente de l'œuvre homérique tout en puisant ses influences graphiques (notamment les décors particulièrement soignés) dans les classiques de la science-fiction tels que Star Wars, Star Trek ou 2001 : L'Odyssée de l'espace. Les intrigues restent divertissantes et les héros attachants font que le téléspectateur est incité à revenir pour l'aventure suivante. Enfin, la série animée bénéficie d'une excellente bande son tantôt électrique, envoûtante ou mélancolique et constituant un apport important dans la narration.
L'INCONTOURNABLE
Après ses ouvrages Les séries de notre enfance et Il était une fois... La belle histoire de Procidis, Maroin Eluasti raconte les différentes étapes de la création de la série animée dans Ulysse 31 : L'histoire et les coulisses d'un dessin animé culte de notre enfance. Tout au long de 224 pages riches en photographies et illustrations, l'auteur présente également la bande originale, le doublage, la diffusion télévisuelle et les produits dérivés. Publié chez l'éditeur Huginn & Muninn, le livre est disponible depuis le 25 octobre 2019.
VIDEO
GALERIE HQ
Ulysse, Télémaque, Thémis, Nono et Noumaïos

L'Odysseus dirigé par l'ordinateur Shyrka (artwork signé Manchu)

Merci à Christophe pour les scans de cartes postales
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BONUS : L'EXPOSITION NOS HEROS ANIMES DES 80'S
Du 1er juillet au 3 septembre 2023, la ville d'Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire) a consacré une exposition à la DIC et l'un de ses créateurs, Bernard Deyriès.
GALERIE

LES CLASSIQUES
- Les séries de notre enfance (2013) de Nordine Zemrak et Maroin Eluasti. Editions Pollux. 207 pages.
- Les Mystérieuses cités d'or : les secrets d'une saga mythique (2013) de Gilles Broche et Rui Pascoal. Editions Soleil. 168 pages.